Extraits

– J’étais vraiment persuadé que tu avais mis ce projet au placard, et que tu n’y pensais plus. Tu sais que j’y suis opposé…

– Oui, j’ai bien compris que tu n’étais pas candidat. Mais rien ne m’empêche de le faire avec un autre donneur. Et ça ne change rien à notre histoire…

– Mais ça change tout, au contraire ! Je t’ai promis de ne plus te mentir, de jouer cartes sur table avec toi, et toi tu continues à voir ce David dans mon dos, en cachette pour faire un enfant !

– Tu en parles comme d’un amant secret ! Nous avons des échanges strictement professionnels et, heu, médicaux…

– Vous aviez. Car le sens de son mail est clair, non ? Il ne veut pas d’enfant avec toi. Personne ne veut de ton projet bizarre, Vic. Ouvre les yeux !

– Tu n’arrêtes pas de me dire que tu ne comptes pas rester ici, que ce que nous vivons est éphémère. Alors en quoi ça peut t’importer, mon avenir ? Ma vie de femme, de mère ? Qu’est-ce que ça peut te faire ?

– Arrête de jouer à ce jeu-là. Écoute, Victoria. Ou tu mets un point final à ce projet stupide immédiatement, ou je disparais. Il n’y a clairement pas de place pour moi dans cette histoire.

– C’est un ultimatum ? Ne compte pas sur une réponse de ma part, j’ai horreur de ça !

– Dans ce cas, je disparais. Adieu.

Il prend son casque sur la console de l’entrée et quitte mon appartement en claquant la porte. Mon cœur bat la chamade, je suis incapable de mettre de l’ordre dans mes idées. Mais une chose me semble sûre : je ne reverrai pas Sven Nilsson.

– Je pense que nous devrions en rester là, Sven. Tout a démarré de travers entre nous, et finalement les deux individus qui ont couché ensemble, ce n’est pas toi et moi, mais deux créations de nos esprits, en quelque sorte. Alors laissons-leur ces souvenirs et reprenons nos routes.

Il semble amusé par ma réponse, qui ne le décontenance pas, au contraire.

– J’aime quand tu intellectualises tout. Ça te rend sexy. Mais là tu en fais un peu trop. C’est bien mon corps qui a fait l’amour au tien, et il est prêt à recommencer.

– Tu devrais partir, dis-je d’une voix à peine audible.

– J’ai envie de rester, murmure-t-il en s’approchant de moi.

– Je te plais ?

– Oui, énormément. Tu me plais lorsque tu souris et que tes fossettes se creusent d’une façon sexy. Tu me plais lorsque tu enroules une mèche de cheveux autour de tes doigts. Tu me plais lorsque tu me regardes avec des yeux pétillants. Tu me plais lorsque je sens en toi ce désir d’être dans mes bras.

Double Waouh.

Je ne sais pas s’il avait préparé ça, mais il fait mouche. Je suis touchée, troublée, et je me retiens de ne pas me jeter sur ces lèvres charnues que j’aime tellement embrasser. Je ne peux pas. Je ne dois pas. Tout est trop compliqué entre nous, tout est mal parti, et craquer maintenant ajouterait encore une nouvelle couche au millefeuille complexe de cette relation. J’ai envie de lui dire qu’il me plaît, quel que soit son nom, Anders, Sven ou Bjorn, mais je me contente de répondre d’un air pincé.

– Tu as eu raison de couper les ponts, assène Julian. Je n’en reviens pas qu’il ait monté un mensonge pareil.

– C’était habile, on s’est fait prendre tous les deux.

– J’avais eu la puce à l’oreille pourtant. Tu te souviens, quand j’avais fait des recherches sur Anders Noren et que ça n’avait rien donné ?

– Je me souviens parfaitement. Ça aurait dû m’alerter.

– Et moi, j’aurai dû creuser davantage. Mais tu avais l’air si enthousiaste… Je n’en reviens pas qu’il t’ait fait ça. Il voulait juste trouver un sujet pour son nouveau livre… Bon, dis-toi que tu n’as pas tout perdu : tu as couché avec un écrivain célèbre et sexy, reste là-dessus !

Sa remarque m’arrache un sourire.

– De toute façon, je n’ai pas l’intention de le revoir…

Mais au fond de moi, je sais ce qu’il en est : mon corps brûle de le revoir, mes lèvres sont en manque de ses baisers.

Parce que je craque pour lui, même si je ne peux pas l’avouer.

C’est une Victoria nouvelle qui franchit ce matin la porte de la suite réquisitionnée par Marcus van Trup. Ou plutôt, la Victoria d’avant, professionnelle, impeccable, gérant ses émotions. Je suis parvenue à mettre de côté tous mes tracas du moment pour redevenir celle que je n’aurais jamais dû cesser d’être : la Wonder Woman du casting, capable de repérer un talent à des kilomètres à la ronde. D’un air décidé, je me dirige vers le réalisateur, l’apostrophant alors qu’il tente d’éviter mon regard.

Waouh.

Je ne l’avais pas vu venir, celui-là. Adieu Anders, bonjour Sven. Tout aussi sexy et charmeur, mais le côté mystérieux en moins. Quoique… j’ai beau le googler, il reste toujours une part d’ombre chez lui, un truc indéfinissable qui le rend dangereusement séduisant. J’attrape la balle au vol, un peu émue.

— Je te plais ?

— Oui, énormément.

– Vous vivez à Los Angeles ? demandé-je.

– Oui, dans un hôtel proche d’ici. Je me suis installé il y a quelques mois, répond Anders.

– Parfait. Vous êtes donc facilement accessible.

– Qu’entendez-vous par « accessible » ?

Je m’empourpre de nouveau. Je fais vraiment une piètre prestation aujourd’hui, et je dois faire attention aux mots que j’emploie avec un type pareil. Je lève la tête vers lui en souriant.

– Je veux dire par là que vous êtes facilement disponible si j’ai besoin de vous.

– Et vous aurez besoin de moi ?

Il a prononcé des derniers mots en me regardant droit dans les yeux, avec ce phrasé chantant et presque érotique qui me trouble.

– Je ne sais pas encore. Pour tout vous dire, c’est plus qu’un comédien que je cherche. J’ai besoin de quelqu’un qui pourrait s’inscrire dans un projet ambitieux et assez inédit. Vous devrez être très convaincant, car j’ai déjà plusieurs bons candidats.

– C’est la raison pour laquelle j’ai répondu à votre annonce. C’est quoi, ce projet novateur ? Un truc conceptuel ? Et pourquoi demandez-vous aux candidats d’être ouverts d’esprit ? Il faut jouer nu, c’est cela ?