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Qu'est-ce qui a été détruit en vous par cette expérience extrême ?
La vie. Je n'ai plus jamais eu une vie normale. Je n'ai jamais pu prétendre que tout allait bien et aller, comme d'autres, danser et m'amuser en toute insouciance...
Tout me ramène au camp. Quoi que je fasse, quoi que je voie, mon esprit revient toujours au même endroit. C'est comme si le "travail" que j'avais dû faire là-bas n'était jamais vraiment sorti de ma tête...
On ne sort jamais vraiment du Crématoire.
Afficher en entierSi lui, comme moi et bien d'autres, nous n'avons parlé que tardivement, c'est parce que personne ne voulait nous écouter. Nous revenions d'un monde où l'on avait voulu nous bannir de l'humanité : nous voulions le dire, mais nous nous sommes heurtés à l'incrédulité, l'indifférence voire l'hostilité des autres. Ce n'est que des années après la déportation que nous avons trouvé le courage de parler, parce que, enfin, nous avons été écoutés.
Afficher en entierCertains corps étaient tout rouges, d'autres très pâles, chacun réagissait différemment. Mais tous avaient souffert dans la mort. On pense souvent que le gaz était jeté, et voilà, les gens mouraient. Mais de quelle mort !... On les retrouvait agrippés les uns aux autres, chacun avait cherché désespérément un peu d'air. Le gaz jeté par terre dégageait de l'acide par le bas, donc tout le monde voulait trouver de l'air, même si pour cela il fallait grimper les uns sur les autres jusqu'à ce que le dernier meure. Selon moi, je ne peux pas en être sûr mais je pense que de nombreuses personnes mouraient avant même que le gaz ne soit jeté. Ils étaient tellement serrés les uns contre les autres que les plus petits, les plus faibles, étaient immanquablement étouffés. À un certain moment, sous cette pression, cette angoisse, on devient égoïste et on ne cherche plus qu'une chose : se sauver. C'était ça, l'effet du gaz. L'image qu'on voyait en ouvrant la porte était atroce, on ne peut même pas se faire une idée de ce que ça pouvait être.
Afficher en entierC'était une mort immonde, sale. Une mort forcée, difficile et différente pour tous.
Je ne l'avais jamais raconté jusqu'à maintenant; c'est tellement pesant et triste que j'ai du mal à parler de ces visions de la chambre à gaz. On pouvait trouver des gens avec des yeux sortis des orbites à cause de l'effort fourni par l'organisme. D'autres saignaient de partout, ou étaient salis par leurs propres excréments, ou bien ceux des autres. Sous l'effet de la peur et du gaz sur l'organisme, les victimes évacuaient souvent tout ce qu'elles avaient dans le corps.
Afficher en entierUne fois que la salle était vidée, il fallait la nettoyer entièrement, car les murs et le sol étaient souillés, et il était impossible de faire entrer de nouvelles personnes sans qu'elles s'affolent en voyant les traces de sang et de tout le reste sur les murs et par terre. Il fallait d'abord nettoyer le sol, attendre qu'il sèche et repeindre les murs à la chaux. Le ventilateur continuait de nettoyer l'air. Tout était ainsi prêt pour l'arrivée d'un nouveau groupe. Même si les gens, en entrant, voyaient le sol mouillé, ça ne leur paraissait pas suspect, car on leur avait dit qu'ils allaient à la douche pour la désinfection.
Afficher en entierLe pire était surtout au début, quand il fallait tirer les premiers corps, car nous n'avions pas d'appui. Les corps étaient tellement imbriqués, amassés les uns contre les autres; les jambes là, la tête ici. Les cadavres s'amoncelaient sur plus d'un mètre, un mètre et demi de hauteur.
Afficher en entierPour sortir les corps de la chambre à gaz, on n'avait pas besoin de rajouter de l'eau par terre, car le sol était déjà suffisamment humide de tout. Je dis vraiment de tout : le sang, les excréments, l'urine, le vomi, tout... on glissait parfois dedans.
Afficher en entierNous sommes devenus des automates, obéissant aux ordres en essayant de ne pas penser, pour pouvoir survivre encore quelques heures. Birkenau était un véritable enfer, personne ne peut comprendre ni entrer dans la logique de ce camp.
Au bout d’un moment, on ne sentait plus rien. On était entré dans la roue qui tourne. Mais on ne s’en rendait pas compte, car tout simplement, on ne pensait plus à rien.
Afficher en entierMais moi, je ne pensais pas que je pourrais jamais me libérer de cet enfer. Je ne pense pas qu'aucun homme dans le Sonderkommando ait gardé un espoir aussi naïf. Il n'y avait aucun moyen de s'en sortir. Seul un miracle... Mais plus personne ne croyait aux miracles. On continuait, jour après jour, sachant que la fin approchait.
Afficher en entierPersonne ne pouvait survivre. Tout le monde devait mourir, nous y compris : ce n'était qu'une question de temps.
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