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Le jour se levait dans un ciel éblouissant, et pourtant il avait plu la nuit précédente, à torrents, par rafales soudaines et rageuses, comme il est fréquent à la mi-mars. De la porte de la cuisine Lije evans regardait le sentier menant à la cour boueuse. Les traces de ses bottes s’y voyaient encore, estampées dans la glaise gluante, et il n’était pas fâché que toute cette gadoue lui servît d’excuse pour ne pas travailler. Il n’avait envie de rien faire, pas même de rafistoler un harnais ou de réparer un outil, et pourtant, d’ordinaire, le travail ne lui faisait pas peur. Il referma la porte.
— Il se pourrait bien que j’aille à la ville, rebecca ! dit-il.
— Pour parler de l’Oregon ! dit-elle en essayant d’adoucir le ton de reproche.
Lije sourit et prit un siège.
— C’est à voir !... Je ne sais pas déjà de quoi je vais parler. De ce qui me viendra à l’esprit.
Il comprit qu’une fois de plus elle venait de lire dans ses pen- sées, mais cela n’avait aucune importance : il était habitué à ce qu’elle devinât tout ce qui lui passait par la tête.
— Je ne comprends pas pourquoi vous êtes devenus enragés comme ça, tout d’un coup ! dit-elle en essuyant sa dernière assiette et en raccrochant le torchon au clou. Tout le monde ne cause plus que de l’Oregon... et pourtant c’est si loin qu’on ne sait même pas où ça s’trouve !
— On n’est pas aussi nombreux pour en parler qu’on ne le sera pour y partir !
— Ça vous passera, tu verras.
elle saisit le balai dans un coin.
source : Actes Sud
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