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Non, ça n’allait pas. On aurait dit qu’un poulet venait d’être immolé et que son sang barbouillait la toile.
Henry Middlebrook recula d’un pas pour mieux juger du résultat et fit la grimace. Dans la lumière blafarde du soir, la peinture vermillon était tout simplement affreuse.
Afficher en entierLady Stratton était fin stratège, décida Henry. Et apparemment résolue à donner le ton à leur petit badinage. Elle venait de lui faire savoir qu’elle était prête à sacrifier sa compagnie pour danser avec un autre homme.
Henry aussi était fin stratège. Et il était temps de former une alliance. En toute logique avec la dame de compagnie, cette Mme Whittier. C’était la personne la plus indiquée, pour peu qu’il parvienne à s’entretenir avec elle en aparté.
Afficher en entierBonté divine !
Henry se redressa aussi vite que possible. Il oubliait tout le temps. Dans cet habit de soirée élégant, il avait l’impression d’être redevenu l’homme qu’il était avant, semblable à tous ces pingouins en veste sombre et chemise blanche.
Afficher en entierSa cousine était un être solaire et généreux. Elle avait vécu isolée à la campagne durant les neuf années qu’avait duré son mariage, et, désormais, après avoir observé une année de deuil réglementaire, elle avait rejoint la capitale où elle collectionnait les admirateurs avec le plaisir enjoué d’un naturaliste attrapant les papillons dans son filet.
Afficher en entierIl déplaça son chevalet pour le positionner plus près de la fenêtre, inspecta une dernière fois la toile. Oui, décidément c’était affreux. Néanmoins, avec le temps, il avait l’espoir de s’améliorer.
Poussant un soupir résigné, il quitta le salon pour rejoindre sa chambre et se préparer à son grand retour dans la haute société londonienne.
Afficher en entierEn habit de soirée noir, gilet de soie bronze et cravate nouée avec un soin méticuleux, Jeremy affichait la dignité qui sied à un comte. Seule la lueur de doute qui flottait dans son regard bleu vif – le seul trait physique commun aux deux frères – dénotait chez un aristocrate de son rang.
Afficher en entierIl agrippa le rebord chantourné de la petite table badigeonnée de vermillon. Il lui était difficile de s’imaginer à l’aise en société aujourd’hui. Assister à une réception lui coûterait autant que de partir à la guerre, comme il l’avait fait trois ans plus tôt. Néanmoins sa détermination serait la même. Il avait bien compris que choisir la bonne épouse lui rouvrirait les portes du beau monde.
Afficher en entierComme il s’apprêtait à lancer une nouvelle attaque artistique, il se prit le pied dans la table rococo sur laquelle il avait posé sa palette. Celle-ci glissa et Henry eut juste le temps de la rattraper avant qu’elle ne tombe par terre. Mais il lâcha son pinceau qui pirouetta plusieurs fois avant de s’écraser sur le tapis avec un bruit mouillé.
Afficher en entierHenry venait de passer trois ans dans l’armée, il en maîtrisait donc parfaitement les codes vestimentaires : épaulettes à franges, calots, shakos à plumet… En revanche, les subtilités de la mode féminine lui échappaient. Néanmoins, le spectacle offert par Emily aurait séduit n’importe quel esthète, en particulier un spécialiste de la couleur – ce qui était son cas, même si son talent ne sautait pas aux yeux quand on regardait sa toile.
Afficher en entier— Emily m’a dit qu’elle amènerait son beau-frère ce soir pour nous le présenter. C’est un héros de guerre. Il vient tout juste de rentrer à Londres après trois années passées sur le continent.
— Un soldat ?
Frances ne put s’empêcher de frissonner. Caroline lui jeta un regard entendu.
— Oui, enfin un ex-soldat. C’est intéressant, non ?
— En tout cas, on peut espérer que celui-là ne te suivra pas partout comme un petit toutou.
Caroline rectifiait les plis de sa robe jonquille d’une main experte.
— Certes. Cela dit, ceux qui font des cabrioles pour attirer mon attention sont assez drôles, tu ne trouves pas ?
— Hum… je ne sais pas si je suis la personne désignée pour répondre à cette question. Je n’ai pas fait de cabrioles depuis longtemps, tu comprends.
— Eh bien, il serait peut-être temps de t’y remettre, justement. Cela fait six ans que tu es veuve, tout de même.
— J’y ai songé, crois-moi !
Caroline gloussa, et Frances se força à sourire. Toute allusion à son bref mariage continuait de réveiller en elle un fort sentiment de culpabilité. Ce qui expliquait sans doute qu’elle n’ait pas cabriolé depuis si longtemps.
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