Histoire de la lutte contre les maladies infectieuses depuis Pasteur

2. La lutte contre les maladies infectieuses dans les empires coloniaux

(...) Et il est vrai que pour un Européen qui se retrouve dans un milieu nouveau et que son système immunitaire ne reconnaît pas, toutes ces maladies infectieuses représentent de graves menaces. Par exemple, en 1863, le taux de mortalité des soldats stationnés en Inde avoisine dix fois celui de leurs camarades restés au pays (Curtin, 1989). Dans l’ouvrage The Races of Man (R. Knox, 1850) on peut lire :

« L’Européen ne peut pas coloniser un pays tropical ; il ne peut s’identifier avec lui. Il peut le tenir par l’épée mais ne devient jamais un de ses habitants »

Toutefois parmi les Européens, la mortalité chute avant même la révolution pastorienne : utilisation de la quinine à des doses efficaces, installation de l’habitat en hauteur, amélioration de l’eau potable peuvent expliquer cette évolution. Puis, au tournant du XX° siècle, les connaissances scientifiques s’accumulent et les Européens peuvent trouver les moyens de mieux se protéger. La courbe de mortalité s’infléchit encore. Seule la fièvre jaune constitue « le » grand danger contre lequel on ne sait rien faire, à part une lutte contre le vecteur impossible à réaliser sur un continent comme l’Afrique, jusqu’à la mise au point d’un vaccin dans les années 1930. Reste tout de même la question : faut-il encourager un peuplement européen stable et faisant souche par l’adoption des habitudes locales ou le métissage, ou bien effectuer une rotation du personnel outre-mer et pour la mise en valeur s’appuyer sur les populations locales? C’est la deuxième solution qui a été la plus fréquemment retenue dans les colonies tropicales (figure 15).

(...)La médecine coloniale imposée, y compris la lutte contre les maladies infectieuses, représenta un véritable choc pour les cultures des sociétés africaines et ne parvint pas l’emporter sur l’essentiel, c’est-à-dire les mentalités. Nous le verrons dans les exemples développés ultérieurement. La politique sanitaire autoritaire a été assimilée à l’ordre colonial honni et incompris.

(...)L’Algérie dont la France voulait faire une colonie de peuplement peut servir d’exemple d’une politique de lutte « globale ». Un Institut Pasteur y est fondé en 1894 pour être un centre antirabique. En 1900, les frères Sergent se voient confier une mission pour vérifier les hypothèses de Laveran. En 1909, la fusion de la mission et de l’Institut aboutit à la création de l’Institut Pasteur d’Algérie, dirigé par Calmette de 1910 à 1912 et par Edmond Sergent de 1912 à 1962. L’institut prépare des vaccins et des sérums et fait de la lutte antipaludique une de ses priorités. Il contribue ainsi à la « tâche civilisatrice » de l’entreprise coloniale en permettant l’installation sans risque de sujets européens.