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A une robe rose
Que tu me plais dans cette robe
Qui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen!
Frêle comme une aile d'abeille,
Frais comme un tissu de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille, voltige autour de ta beauté.
De l'épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l'étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.
D'où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair, trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair?
Est-ce à la rougeur de l'aurore,
A la coquille de vénus,
Au bouton de sein près d'éclore,
Que sont pris ces tons inconnus?
Ou bien l'étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur?
Non; vingt fois modelée et peinte, ta forme connaît sa splendeur.
Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l'art rêva,
Comme la princesse de Borghèse tu poserais pour Canova.
Et ces plis sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.
Afficher en entierClair de lune sentimental
A travers la folle risée
Que Saint-Marc renvoie au Lido,
Une gamme monte en fusée,
Comme au clair de lune un jet d'eau...
A l'air qui jase d'un ton bouffe
Et secoue au vent ses grelots,
Un regret, ramier qu'on étouffe,
Par instant mêle ses sanglots.
Au loin, dans la brume sonore,
Comme un rêve presque effacé,
J'ai revu, pâle et triste encore,
Mon vieil amour de l'an passé.
Mon âme en pleurs s'est souvenue
De l'avril, où, guettant au bois
La violette à sa venue,
Sous l'herbe nous mêlions nos doigts...
Cette note de chanterelle,
Vibrant comme l'harmonica,
C'est la voix enfantine et grêle,
Flèche d'argent qui me piqua.
Le son en est si faux, si tendre,
Si moqueur, si doux, si cruel,
Si froid, si brûlant, qu'à l'entendre
On ressent un plaisir mortel,
Et que mon cœur, comme la voûte
Dont l'eau pleure dans un bassin,
Laisse tomber goutte par goutte
Ses larmes rouges dans mon sein.
Jovial et mélancolique,
Ah ! vieux thème du carnaval,
Où le rire aux larmes réplique,
Que ton charme m'a fait de mal !
Afficher en entierL'art
Extrait 4
Dans son nimbe trilobe,
La Vierge et son Jésus,
Le globe
Avec la croix dessus.
Tout passe. — L'art robuste
Seul a l'éternité ;
Le buste
Survit à la cité.
Et la médaille austère
Que trouve un laboureur
Sous terre
Révèle un empereur.
Les dieux eux-mêmes meurent,
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains.
Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !
Afficher en entierPlaintive tourterelle
Plaintive tourterelle,
Qui roucoule toujours,
Veux-tu prêter ton aile
Pour servir mes amours !
Comme toi, pauvre amante,
Bien loin de mon ramier,
Je pleure et me lamente
Sans pouvoir l’oublier.
Vole, et que ton pied rose
Sur l’arbre ou sur la tour
Jamais ne se repose,
Car je languis d’amour.
Évite, ô ma colombe,
La halte des palmiers
Et tous les toits où tombe
La neige des ramiers.
Va droit sur sa fenêtre,
Près du palais du roi ;
Donne-lui cette lettre
Et deux baisers pour moi.
Puis sur mon sein en flamme,
Qui ne peut s’apaiser,
Reviens, avec son âme,
Reviens te reposer.
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Afficher en entierremier sourire de printemps ( extrait)
Tandis qu'a leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
Afficher en entierDernier Vœu
Voilà longtemps que je vous aime :
— L’aveu remonte à dix-huit ans ! —
Vous êtes rose, je suis blême ;
J’ai les hivers, vous les printemps.
Des lilas blancs de cimetière
Près de mes tempes ont fleuri ;
J’aurai bientôt la touffe entière
Pour ombrager mon front flétri.
Mon soleil pâli qui décline
Va disparaître à l’horizon,
Et sur la funèbre colline
Je vois ma dernière maison.
Oh ! que de votre lèvre il tombe
Sur ma lèvre un tardif baiser,
Pour que je puisse dans ma tombe,
Le cœur tranquille, reposer !
Afficher en entierLA BONNE SOIRÉE
Quel temps de chien ! — il pleut, il neige ;
Les cochers, transis sur leur siège,
Ont le nez bleu.
Par ce vilain soir de décembre,
Qu’il ferait bon garder la chambre,
Devant son feu !
À l’angle de la cheminée
La chauffeuse capitonnée
Vous tend les bras
Et semble avec une caresse
Vous dire comme une maîtresse,
« Tu resteras ! »
Un papier rose à découpures,
Comme un sein blanc sous des guipures,
Voile à demi
Le globe laiteux de la lampe
Dont le reflet au plafond rampe,
Tout endormi.
On n’entend rien dans le silence
Que le pendule qui balance
Son disque d’or,
Et que le vent qui pleure et rôde,
Parcourant, pour entrer en fraude,
Le corridor.
[…]
Afficher en entierSUR LE CARNAVAL DE VENISE - SUR LES LAGUNES
Tra la, tra la, la, la, la laire !
Qui ne connaît pas ce motif ?
A nos mamans il a su plaire,
Tendre et gai, moqueur et plaintif :
L'air du Carnaval de Venise,
Sur les canaux jadis chanté
Et qu'un soupir de folle brise
Dans le ballet a transporté !
Il me semble, quand on le joue,
Voir glisser dans son bleu sillon
Une gondole avec sa proue
Faite en manche de violon.
Sur une gamme chromatique,
Le sein de perles ruisselant,
La Vénus de l'Adriatique
Sort de l'eau son corps rose et blanc.
Les dômes sur l'azur des ondes,
Suivant la phrase au pur contour,
S'enflent comme des gorges rondes
Que soulève un soupir d'amour.
L'esquif aborde et me dépose,
Jetant son amarre au pilier,
Devant une façade rose,
Sur le marbre d'un escalier.
Avec ses palais, ses gondoles,
Ses mascarades sur la mer,
Ses doux chagrins, ses gaités folles,
Tout Venise vit dans cet air.
Une frêle corde qui vibre
Refait sur un pizzicato,
Comme autrefois joyeuse et libre,
La ville de Canaletto !
Afficher en entierLE MERLE
Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanche,
En bottes jaunes, en frac noir.
C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.
Pourtant il vente, il pleut à verse;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perses,
Tient tous ses hôtes près du feu.
Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.
Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.
Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.
Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant dans le saint lieu,
L'autel désert sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.
A la nature il se confie,
Car son instinct pressant la loi.
Qui rit de ta philiosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !
Afficher en entierLIED
Au mois d'avril, la terre est rose,
Comme la jeunesse et l'amour ;
Pucelle encore, à peine elle ose
Payer le Printemps de retour.
Au mois de juin, déjà plus pâle
Et le coeur de désir troublé,
Avec l'Eté tout brun de hâle
Elle se cache dans le blé.
Au mois d'août, bacchante enivrée,
Elle offre à l'Automne son sein,
Et roulant sur la peau tigrée,
Fait jaillir le sang du raisin.
En décembre, petite vieille,
Par les frimas poudrée à blanc,
Dans ses rêves elle réveille
L'Hiver auprès d'elle ronflant.
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