Extraits

- Il s'agit d'Estella Lawford, docteur. Elle souffre le martyre.

Un frisson glacé courut le long de l'échine du médecin : jamais la jeune femme ne se serait présentée à l'hôpital pour une affaire bénigne.

C'est alors qu'il l'entendit hurler de douleur. Il la découvrit dans sa chambre, recroquevillée sur son lit et serrant entre ses bras son ventre; il pria pour qu'elle ne fût pas victime d'une crise d'appendicite - il se trouvait au pub depuis la tombée de la nuit. Il lui faudrait plusieurs heures avant d'être à nouveau en état d'opérer.

Jamais encore Estella n'avait à ce point éprouvé le mal du pays. Assise sur la véranda, elle avait ramené jusque sous son menton ses genoux, qu'elle enserrait de ses bras. Le ciel se teintait de rouge vif, de rose et d'or, au sein duquel les nuages paraissaient s'enflammer. Mais elle n'avait que faire de cette splendeur. Son cœur pleurait en silence la vie qu'elle menait naguère à Londres, et qu'elle avait perdue. Les paysages verdoyants de l'Angleterre lui manquaient. Tante Flo lui manquait plus que tout....Même les kangourous et les émeus, qui pourtant s'approchaient tout près en quête de nourriture, ne suscitaient rien d'autre en elle qu'une complète indifférence.

Ce furent des voix, mêlées au grondement d'un moteur, qui réveillèrent Estella. Bien que les rideaux fussent encore tirés, un soleil éclatant s'insinuait au niveau des bords, nimbant la fenêtre d'un halo de lumière d'or. Il devait être tôt, mais la chaleur se révélait déjà accablante.

La jeune femme eut ensuite la surprise de découvrir un homme qui, debout au pied de son lit, examinait sa fiche de soins. Elle se demanda d'abord de qui il s'agissait mais, lorsqu'il eut tourné la tête dans sa direction, elle put contempler un cocard qui ne lui laissa pas le moindre doute sur son identité : il s'agissait du Dr Dan, dont Estella constata avec étonnement qu'il n'offrait plus qu'une ressemblance lointaine avec l'ivrogne qu'elle avait croisé la veille.

C’est alors qu’elle vit son époux sortir de l’hôtel Grosvenor et héler un taxi. Elle s’étonna de sa mise un peu débraillée, de la destination qu’il indiquait au chauffeur… et davantage encore de voir le rejoindre sur le trottoir Davinia, la cousine de la jeune femme.

— Ne t’inquiète pas. Ton odorat et ton goût connaîtront peut-être aussi quelques perturbations. Il se peut que tu ne supportes plus l’odeur de certains aliments dont tu raffolais jusqu’ici ou, à l’inverse, que tu te prennes de passion pour un plat que tu avais toujours détesté.

— Oh mon Dieu… La grossesse est une chose affreuse…

Et la jeune femme de se remettre à pleurer.

— Que tu le croies ou non, je t’assure qu’il s’agit au contraire d’un moment merveilleux.