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Le train qui me ramenait vers la maison avait été retardé à cause de la tempête de neige matinale. J’avais attendu près d’une heure à la gare, espérant que ma mère se décide à venir me chercher, en vain. Installée sur la banquette, sens inverse de la marche, je vois le paysage défiler à reculons. L’étendue des champs recouverte de son manteau blanc. Le chauffage du vieux wagon a des difficultés à réconforter les rares passagers. Maintenant que je ne viens plus qu’à Noël, j’espère année après année qu’ils aient changé les locomotives. La ligne n’intéresse plus personne. Cela ne m’étonnerait même pas de la voir fermée dans peu de temps. Depuis que l’autoroute a ouvert, personne ne prend le train pour monter dans la montagne. Personne sauf moi.
Il m’aura fallu attendre près d’une heure de plus à la gare du village. Évidemment, ma mère avait mal compris mon heure d’arrivée, ou avait fait semblant. Elle non plus n’a pas changé sa voiture. Quand elle en sort, je trouve son visage vieilli, mais c’est elle qui me dit en premier « Dis-donc, toi, t’aurais pu passer me voir avant de passer 30 ans. Je ne te reconnais presque plus. » C’est une manière de parler. Une manière de me dire que j’aurais pu revenir la voir pendant l’année qui vient de s’écouler. Peut-être une manière de dire qu’elle se sent seule désormais au hameau, dont douze maisons sur seize ont été rachetées par des Anglais et Hollandais qui ne viennent là que pour l’été. Quand mon père est mort, je m’étais pourtant promis que je viendrais la voir plus souvent. Je m’étais dit que cela me ferait du bien à moi aussi, de prendre un bon air de campagne, comme elle dit. Mais cette vieille maison est pleine de souvenirs. Pas des mauvais, non. Mais des souvenirs dont j’ai préféré ne pas trop me rappeler ces dernières années.
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