Ajouter un extrait
Liste des extraits
La seconde sentinelle – le garde du corps royal – se tenait au pied de cet escalier. Cette nuit-là, c’était Agis. Il s’appuyait sur sa lance, dans une pose sans raideur. Après un regard jeté du couloir obscur, l’enfant recula pour observer et pour attendre.
Afficher en entierLes bruits de pas s’éloignèrent. Il ouvrit le loquet et regarda à l’extérieur pour choisir sa route. Un Apollon de bronze se dressait dans l’angle du mur, sur un socle de marbre vert. Il était encore assez petit pour se glisser derrière. Quand la sentinelle eut tourné, il courut. Le reste fut facile, et il atteignit la petite cour d’où partait l’escalier de la chambre à coucher royale.
Afficher en entierSa mère, il se l’imaginait dans la robe de laine blanche bordée de jaune qu’elle portait après le bain, les cheveux défaits, la lampe rouge au creux de sa main, en train d’appeler d’une voix douce : « Glaukos-s ! » ou peut-être de jouer un air pour charmer les serpents sur sa petite flûte d’os. Les femmes devaient chercher partout, entre les petites tables portant peignes et vernis, à l’intérieur des coffres à vêtements aux charnières de bronze, qui sentaient bon le laurier-casse ; il avait vu semblable battue pour une boucle d’oreille égarée. Elles perdaient leur sang-froid, en devenaient maladroites, et sa mère se mettait en rage. Il entendit de nouveau le bruit qui montait de la salle d’honneur et se souvint que son père n’aimait pas Glaukos et serait enchanté de le savoir perdu.
Afficher en entierLes ronflements, les chants lointains n’étaient que bruits de solitude. Il n’y avait ici d’éveillés que lui-même et le serpent, plus la sentinelle qui marchait dans le couloir ; comme elle passait devant la porte, il venait d’entendre cliqueter les boucles de son armure.
Afficher en entierPour son quatrième anniversaire – près d’un an plus tôt –, il avait eu ce lit de petit garçon, qui faisait cinq pieds de long ; mais il était bas (on avait craint qu’il n’en tombât) et le serpent n’avait pas eu à grimper beaucoup. Tous les autres occupants de la chambre dormaient profondément : sa sœur Kléopâtra dans son berceau, près de sa nourrice Spartiate ; et, à côté de lui, dans un meilleur lit de bois de poirier sculpté, sa propre nourrice Hellanikè. C’était sûrement le plein cœur de la nuit, mais il pouvait entendre les hommes dans la salle d’honneur, qui chantaient à l’unisson. Les voix étaient puissantes, mal accordées, avalaient la fin des vers. Il avait déjà appris à en comprendre la cause.
Afficher en entierL’enfant se réveilla quand les anneaux du serpent se nouèrent autour de sa taille. Il eut un instant d’angoisse : en coupant sa respiration, l’animal lui avait donné un mauvais rêve. Mais, dès qu’il fut vraiment éveillé, il comprit ce qui se passait et introduisit énergiquement ses deux mains dans l’anneau. Il bougea : le lien qui serrait son dos se contracta, puis s’amincit. La tête glissa le long de son épaule et de son cou, et la langue vint trembloter à son oreille.
Afficher en entier