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Feuillus anciens et résineux récents, la végétations du Nord-Aveyron était à son image, un savant mélange de tradition et de modernité, que ses habitants excellaient à doser.
Afficher en entierDe même que la lave avait pénétré la terre de l'Aubrac, Douce avait traversé Annie, Douce était de basalte, et non l'inverse. Est-ce grandir que prendre conscience qu'on s'est trompé sur ceux qu'on aime ?
Afficher en entierDouce, Annie, Antoine. La mère grommelait, ils lui faisaient penser à des génisses. Il ne fallait pas croire que les bêtes étaient idiotes, chaque vache avait sa personnalité, son rôle.
Afficher en entierLes paysans souffraient en France. Je ne m'attendais pas à autre chose en Aubrac. Je m'attendais à la fin d'un monde. Je me trompais.
Afficher en entier- Miladiou, on voit bien que tu n'as pas connu l'exil.
Afficher en entierJe n’ai pas eu à attendre longtemps pour voir le plan d’eau se soulever, des formes apparaître. J’avais l’impression d’êtres ondulant sous la surface. De monstres amphibies. Les fantômes des enfants sacrifiés ? J’avais beau me dire que le vent était seul responsable de ces mouvements aquatiques, la vision me troublait profondément. En réalité, j’étais perturbée par la certitude de reconnaître l’endroit. J’étais déjà venue ici. Je devais avoir pris une mine effrayée car Gabriel a éclaté de rire.
Afficher en entierOn ne voulait pas vivre à Lacalm mais on voulait y mourir. Entre les paysans d’ici et les cafetiers de Paris, la liste d’attente était peut-être longue. J’imaginais qu’en Aubrac, même la terre du cimetière s’avérait chère et disputée. Parmi ceux dont réduirait le corps et jetterait les ossements à la fosse commune, certains s’étaient probablement battus toute leur vie pour conserver leur parcelle, tout cela pour en être expropriés à leur mort. On pouvait donc vous exiler du cimetière.
Afficher en entierLes choses les plus étranges restent naturelles tant qu'on n'en a pas connu d'autres.
Afficher en entierLa voiture grimpait vers les hauteurs, la végétation refluait. De gros rochers noirs ont surgi des prairies mordorées. Le volcan affleurait sous la terre, la perçant de bosses de lave. J'ai vu l'eau argentée passer sous de petits ponts de pierre et fouetter les mousses jaunies des coteaux, les collines ocre couronnées de nuages s'élevant en volutes comme des fumées de cendre à leur pied, des étendues immenses d'herbe de la couleur du vieil or.
Afficher en entierNon, je ne comprenais pas. Je ne croyais ni aux gènes ni aux racines attachant l'être humain à une seule terre. Je me définissais comme parisienne parce que j'avais été élevée ici.
J'aurais aussi bien pu me sentir ardéchoise, madrilène, australienne... Il me semblait que le sentiment d'appartenance n'était qu'une construction de l'esprit, une histoire qu'on se raconte à soi-même. Je voulais bien croire à l'influence de l'environnement sur le corps et le mental, admettre que le pays de mes grands-mères les avait façonnées, faites dures comme le granit glacé, tranchantes comme le basalte, mais elles n'étaient pas nées ainsi. J 'observais moi-même chaque jour les processus d'apprentissage face aux enfants de la crèche de Levallois-Perret dont j'étais la directrice. Ils imitaient mes gestes tels des dizaines de petits miroirs. Quand j'avais exposé ma théorie à Granita, elle m'avait fait taire d'un claquement de langue.
— Miladiou, on voit bien que tu n'as pas connu l'exil.
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