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Ils prirent le sentier le plus direct, vers les falaises à l’ouest, et cheminèrent sur un terrain rocailleux que brisaient parfois des affleurements rocheux. Se souvenant de la salle de l’autel qu’ils avaient dégagée l’année précédente, Ramsès songeait que l’endroit était idéal pour un traquenard, en supposant que Jamil ait réussi à les y faire entrer. Cela n’avait peut-être pas été très difficile. Ils avaient pensé suivre Jumana, et s’ils avaient cru Jamil à l’intérieur de la chambre taillée dans la roche, Emerson n’aurait pas hésité à descendre dans le puits pour l’attraper. Et sa mère l’aurait suivi, bien sûr – « pour le protéger » ! S’ils avaient constaté que Jamil n’était pas là, ils auraient rebroussé chemin vers le puits, qui était vertical et peu profond. Si Emerson se tenait au fond du puits, sa tête se trouverait à moins de soixante-dix centimètres de la surface. L’image qui se forma dans l’esprit de Ramsès était encore plus horrible que la première : un long et lourd gourdin qui s’abattait sur la tête nue de son père.

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Assis à côté de moi – une délicate attention que je lui accordais toujours quand il condescendait à nous faire la grâce de sa compagnie –, Selim écouta dans un silence renfrogné le compte rendu de l’aventure de la journée que lui faisait Emerson. Puis il secoua la tête.

— Cela me surprend, Emerson, que vous ayez été si irréfléchi, conclut-il d’un air sévère. Les temples et le village des ouvriers sont plus importants que la recherche de tombes dans cet endroit dangereux. Et vous, Ramsès, vous auriez dû l’en empêcher.

Emerson s’était habitué aux critiques occasionnelles de Selim, mais entendre citer ses propres paroles le réduisit momentanément au silence.

— Vous avez entièrement raison, Selim, répondit Ramsès humblement, mais quand le Maître des Imprécations parle, le monde entier obéit.

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Tous nos neveux et nièces en vie étaient présents : Raddie et sa nouvelle épouse, la veuve d’un ami mort en France ; Margaret, récemment fiancée à un jeune officier ; même Willie, en permission et venu de France, qui essaya, le cher garçon, de faire deux fois plus de plaisanteries pour compenser l’absence de son frère jumeau, Johnny, tué par l’ennemi l’année précédente. Il y eut des larmes aussi bien que des rires, la guerre était trop présente dans nos pensées, mais nous fîmes bonne figure. Il y eut même un moment de franche hilarité quand Emerson demanda à David s’il envisageait de nous rejoindre plus tard au cours de la saison. — La décision vous appartient, bien sûr, s’empressa-t-il d’ajouter. Mais le petit Dolly est en parfaite santé, et Lia… — Elle se porte à merveille, dit Nefret. Tout bien considéré. Elle sourit à David, dont le visage franc trahit le soulagement devant son intervention. Il avait du mal à refuser quoi que ce soit à Emerson, et il n’avait pas su comment annoncer la nouvelle. Pour ma part, bien sûr, j’avais compris dès l’instant où j’avais posé mon regard sur Lia

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Je ne voyais qu’une seule objection à cette perspective si merveilleuse. Je ne veux pas parler de la fournaise qu’est Louxor en été – une objection qui ne serait jamais venue à l’esprit d’Emerson, lequel a une constitution de chameau –, mais du fait que nous serions séparés pour Dieu seul savait combien de temps de notre famille bien-aimée. Le Lecteur aura compris, après mes remarques précédentes sur le sujet, que je ne pensais pas à la mienne

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Personne ne le fit. Ainsi que Ramsès le fit remarquer, aucun homme au monde ne s’y serait risqué. Je savais ce qu’Emerson ressentait, car j’avais éprouvé la même peur des raids aériens. Nous avions tous couru des dangers mortels en de nombreuses occasions, et nous avions une entière confiance en notre capacité à affronter des adversaires humains ordinaires. Bien sûr, des êtres humains étaient aux commandes des aéroplanes et des sous-marins, mais comme on ne les voyait jamais, on était porté à penser à la machine elle-même comme à l’ennemi – une lointaine menace mécanique

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Son oncle Daoud et lui, comme d’autres parents d’Abdullah, étaient une seconde famille pour nous, et des assistants de valeur. Ils nous aidèrent à ressusciter la pauvre Basima et Gargery, notre maître d’hôtel, lesquels avaient horriblement souffert du mal de mer durant toute la traversée, ainsi que le chat de Sennia, dont le long confinement dans une cabine constamment en mouvement n’avait pas arrangé le mauvais caractère. Il aurait été impossible de ne pas emmener ce satané animal, car Sennia et, dans une moindre mesure, Nefret étaient les seules personnes capables de le contrôler. Cette année, Horus était le seul chat à nous accompagner. Seshat, jadis la compagne et la gardienne de Ramsès, avait renoncé à une carrière professionnelle au profit d’une vie de famille. Peut-être estimait-elle pouvoir désormais s’en remettre à Nefret pour veiller sur lui

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Bravo ! s’écria Emerson d’un air approbateur. Entre deux cuillerées, Sennia nous parla du monsieur aux cheveux gris, qui allait rejoindre une société à Alexandrie, et de plusieurs autres passagers. La tempête s’apaisa peu à peu, les mugissements du vent faiblirent, le mouvement du navire se calma. Pourtant, je crois que nous fûmes tous soulagés quand les serveurs apportèrent le champagne et que le commandant se leva pour proposer un toast. Il fut quelque peu prolixe, et je me souviens seulement de la fin. — À la santé de Sa Gracieuse Majesté et à la victoire en 1917 ! J’ignore pourquoi mais je ne fus pas surprise d’entendre une voix familière rectifier cette déclaration. — À la paix, dit Ramsès

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Une grande quantité de potage fut renversée, et pas uniquement par Sennia. Cependant, la plupart des dîneurs tinrent bon jusqu’à la fin, et une fois que Sennia eut terminé le repas léger qui était tout ce que je lui permettais, elle commença à se trémousser et à regarder autour d’elle. Comment s’était-elle débrouillée pour connaître autant de passagers ? Le mystère demeurait entier, car nous ne la perdions jamais de vue. Plusieurs personnes répondirent à ses petits signes de la main et à ses sourires, dont un homme de haute taille aux cheveux gris que j’avais aperçu une ou deux fois sur le pont. Un sourire apparut sur son visage austère et il lui adressa un salut de la main. Sennia reçut une réponse encore plus énergique de la part d’un homme assis à la table du commandant de bord. Il avait un visage rond, aussi vermeil et ridé qu’une pomme d’hiver bien conservée, et il s’agita sur sa chaise en levant la main jusqu’à ce que le jeune homme à côté de lui pose une main ferme sur son bras. Il était aussi guindé que l’homme plus âgé – son père ? – était enjoué. Des lunettes lui donnaient l’air d’un érudit, mais il était habillé avec une élégance affectée et impeccablement coiffé

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Elle m’adressa un sourire effronté, que je lui retournai, contente qu’elle soit trop jeune pour éprouver l’inquiétude qui nous affectait. Nous avions longuement et mûrement réfléchi au fait de l’exposer aux dangers de la traversée, au lieu de la confier aux bons soins de Walter et d’Evelyn, ce qui n’était pas son cas. Elle avait tout simplement supposé qu’elle viendrait avec nous, et toute tentative pour l’en dissuader aurait eu des conséquences bruyantes et déplaisantes. Emerson ne supportait pas de la voir pleurer, et ce petit démon le savait. Elle était entrée dans notre vie dans des circonstances qu’il était douloureux de rappeler encore aujourd’hui, mais quelle joie elle était pour nous tous ! Elle était comme notre petite-fille… la seule que nous avions… jusqu’à maintenant… Nefret s’aperçut que je la regardais, et la rougeur de son visage s’accentua. — Oui, Mère ? dit-elle. Ai-je une tache sur le nez ? — Certainement pas, ma chérie. Je pensais simplement que cette nuance de bleu vous va à ravir. Toute personne sensée ne chercherait pas à approfondir ce sujet, et j’avais la certitude que je serais la première à être informée. Après Ramsès, bien sûr

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Ce n’était guère étonnant que tant de gens soient persuadés que l’enfant de mon neveu était la fille illégitime de Ramsès – elle avait son teint et mes yeux gris foncé. Ramsès avait toujours ressemblé davantage à un Égyptien qu’à un Britannique : des cheveux noirs ondulés, des yeux noirs et des cils fournis, une peau plus brune de plusieurs nuances que cela n’est commun sur notre île. (Je suis incapable d’expliquer ce fait, et je ne vois pas pourquoi je le devrais.) Il est très séduisant, et je puis affirmer au Lecteur que sa mère affectueuse n’était pas la seule femme à le penser

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