Commentaire de Miney

Wink est une petite ville parfaite qui semble tout droit sortie d’un délire de publicitaire avec ses habitants au sourire colgate, leur quotidien idyllique, les maisonnettes aux barrières blanches et l’ambiance rétro années 60. Sans compter sa mesa pittoresque, son ancien laboratoire et sa lune rose. Tellement parfaite que vous ne la trouverez sur aucune carte. Tellement parfaite que… Non, ne regardez pas ici. Tellement parfaite que… Non, n’allez pas là. Non, ne sortez pas le soir. Et surtout, surtout, ne posez pas de questions. Vous risqueriez de ne pas supporter les réponses.

Justement, Mona en cherche, des réponses. Surtout depuis qu’elle a appris que sa mère, suicidée lorsqu’elle était enfant, lui avait légué une maison dans une petite ville. Une qui n’apparaît sur aucune carte.

;)

Le thème de la petite ville trop parfaite pour ne rien cacher d’horrible est déjà vu, mais l’auteur a su y apporter sa touche avec brio et je n’ai pas du tout eu une impression de réchauffé. C’est un beau mélange des genres, entre fantastique et science-fiction, fleurtant même avec l’épouvante. Ça fait beaucoup penser à du Lovecraft, sauf qu’autant je n’ai jamais accroché à l’œuvre de ce dernier, autant j’ai adoré l’atmosphère de Wink.

J’ai trouvé le mystère de Wink bien amené avec l'alternance de point de vue de personnages qui vivent dedans et celui de l'héroïne qui la découvre. Plutôt que de dévoiler le mystère plus rapidement, ça l’entretient, ça fait monter la pression, et c’est un délice de multiplier les hypothèses face aux pistes plus barrées les unes que les autres qui nous sont servies. Si arrivé vers la fin, on peut aisément deviner le dénouement, c’est assez cohérent et satisfaisant pour que ça ne dérange pas.

L’ambiance est une vraie réussite. On sent le malaise, l’atmosphère aliénante de cette ville parfaite dont on s’efforce à tout prix de ne pas gratter le vernis… Sans verser complètement dans l’horreur, certains passages sont angoissants à souhait voire carrément gores. Et on a droit à quelques belles scènes d’action !

Malgré le pavé conséquent, le rythme est au rendez-vous, l’écriture est très efficace. Les pages défilent toutes seules sans qu’on s’en rende compte. C’est vraiment difficile à lâcher !

Mona est un personnage attachant à suivre. Ancienne flic au lourd passé, rongée par ses failles, elle est pragmatique, observatrice, souvent impulsive. C’est donc loin d’être une cruche inutile, sans non plus tomber dans le rôle de gros bill invincible. J’ai apprécié que son passé difficile ait un vrai intérêt dans l’intrigue et ne soit pas juste du pathos tire-larmes. Ça fait plaisir de voir un personnage de femme écrit comme un personnage « tout court », plutôt que comme un personnage « féminin » (et la flopée de clichés liés au genre qui l’accompagnent généralement).

Les autres personnages sont moins attachants mais tous hauts en couleur et développés.

Et à travers tout ça, l’auteur aborde de nombreux thèmes : la maternité, la quête du bonheur, le besoin de sentir à sa place quelque part, celui de se conformer à certaines « normes » quitte à renier ce qu’on est réellement… Si divertissante qu’elle soit, son œuvre est loin d’être creuse.

Bref, une belle découverte de Robert Jackson Bennet pour moi, certainement pas le dernier ouvrage de l’auteur que je lis.