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Youssef, en plus d’être le digne propriétaire de la boutique de cristaux où ma mère passait la moitié de son temps, s’était aussi improvisé gourou et donnait des conférences que ma mère qualifiait de révélatrices dans le sous-sol de sa boutique. Bien des fois, elle avait essayé de me convaincre de la suivre en m’assurant que j’allais sortir de là transformée, mais l’idée de m’extasier devant une roche me laissait de marbre, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots.
Afficher en entierJ’avais tenté d’éviter les appels de ma très chère mère pendant mon trajet dans l’autobus. Je l’aimais beaucoup, mais, avec les années, j’avais compris qu’il fallait la prendre à petites doses. Surtout le lundi matin. Pourtant, d’expérience, je savais très bien que si je ne la rappelais pas, elle serait tout à fait capable de débarquer dans mon bureau avec des larmes de crocodile en me reprochant de ne pas l’aimer, elle qui avait sacrifié sa vie pour le bonheur de ses filles. Résignée, j’ai donc pris le combiné et composé son numéro de téléphone.
Afficher en entierRoxanne s’est replongée dans la lecture de sa revue après m’avoir fait un signe de main, comme pour m’inviter à dis poser. J’ai haussé les épaules et me suis dirigée vers mon bureau d’un pas chancelant à cause de la faible adhérence de mes escarpins au tapis recouvrant le plancher des corridors. J’ai salué mes voisins de bureau en marchant, ce qui me donnait une parfaite raison pour ralentir le pas sans avoir l’air de ne pas savoir marcher.
Afficher en entier— Moi, ça va mais, TOI, tu vas aller encore mieux ! m’a-t-elle dit, pleine d’entrain.
— Moi ? Pourquoi ?
— Tu sais, ta rencontre de ce matin qui te stresse et qui a fini par me stresser aussi, tellement tu en parles ?
— Oui…
— Ben, elle a été reportée à la semaine prochaine !
Rox a levé les bras au ciel comme pour célébrer une victoire. Je n’étais pas du tout du même avis qu’elle.
— Quoi ? Comment ça ? Je suis restée réveillée jusqu’à 2 h pour être certaine d’être vraiment prête !
Afficher en entierUne fois sur le trottoir, j’ai rapidement parcouru, enfin aussi vite que mes chaussures à talons trop hauts me le permettaient, la distance qui me séparait d’Oméga Assurances. J’avais une réunion à 9 h 30 et il était 9 h 02. J’aurais tout juste le temps de rassembler mes documents et de boire en vitesse mon troisième café matinal.
Afficher en entierSeulement 8 h 34 et je poussais déjà mon deuxième soupir de la journée. Ma sœur avait toujours eu tendance à dramatiser. Même quand nous étions enfants, Rose donnait l’impression d’avoir été élevée avec la petite fille aux allumettes, tant elle laissait croire que sa vie était misérable. D’ailleurs, avec les années, elle avait réussi à élaborer un genre de regard, à mi-chemin entre le regard implorant d’un épagneul et celui blessé et fier d’un héros de guerre, qui lui permettait d’avoir ce qu’elle voulait. Habituellement, je ne pouvais pas supporter ce type de personne qui se lamente constamment, mais c’était ma petite sœur… et, moi non plus, je ne pouvais résister à ses grands yeux.
Afficher en entierJe l’ai embrassé sur le front, j’ai agrippé mon sac à main et j’ai descendu en trombe les deux étages qui séparaient notre appartement du trottoir. En marchant jusqu’à l’arrêt d’autobus, j’ai jonglé avec mon thermos de café et mon cel lulaire avant de réussir le tour de force d’envoyer un texto à ma sœur pour la prévenir que Georges avait déjà autre chose de prévu pour ce soir. La réponse n’a pas tardé à arriver.
Afficher en entierC’était à mon tour de soupirer. J’adorais ma petite sœur, mais je comptais quand même un peu sur Georges pour détendre l’atmosphère comme seuls les hommes savent le faire par leur insouciance et leur nonchalance parfois exaspérantes. Surtout quand il s’agissait de la peine d’amour de la sœur de sa blonde qui, il était vrai, en avait significativement plus que la moyenne de la population mondiale. Je ne voulais cependant pas être la fille qui contrôle son chum, et, par-dessus tout, je ne voulais pas commencer à argumenter un lundi matin.
Afficher en entier— Alors, on se rejoint chez elle à 19 h, chéri ?
— Est-ce qu’on est vraiment obligés d’y aller ? a soupiré Georges. Il y a un match de hockey ce soir en plus… Je l’aime bien, ta sœur, mais elle est tout le temps en peine d’amour. Je ne vois pas ce qu’il y aurait de différent avec celui-là.
— Je sais, mais tu aurais dû l’entendre au téléphone… Je ne pouvais pas lui dire non. Et puis, le hockey, tu peux le regarder là-bas si tu veux.
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