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À l'âge d'or, ici, on massacrait une quarantaine de taureaux par saison, plus ou moins à vif. Les humains leur perçaient les épaules avec du métal ; l'arrière du crâne avec une épée ; puis leur tranchaient les oreilles, la queue, les testicules aussi. Les taureaux, le plus souvent, n'étaient pas vraiment morts, pas tout de suite. Le coup d'épée les plongeait plutôt dans un état de sidération interminable. Leur âme pouvait mettre des heures à s'échapper de leur crâne couvert de sang, elle les quittait parfois lorsqu'un pick-up les traînait vers l'extérieur, laissant sur le sable que foulaient maintenant Traidor et Barrabas des centaines de lignes rouges, d'un siècle à l'autre, comme un soleil dont on aurait arraché les rayons l'un après l'autre. Ne restait qu'une longue plaie qui partait de l'arène et se prolongeait sur le bitume, entre les gradins, sur le parking – où l'on chargeait le mort avant de l'envoyer à l'équarrissage.
Afficher en entierLe réel finissait toujours par suffire à quiconque cessait d'en réduire l'immensité par des rêveries plus immenses encore.
Afficher en entierIls avaient déjà tant survécu que mourir devenait improbable. [...] Ils étaient arrivés dans un monde où l'on ne mourait que si l'on était tué.
Afficher en entierLes taureaux acculés avaient éventré des chevaux ici, et les derniers bains de sang n'avaient pas été nettoyés. L'arène entière contenait de la mort, sous toutes ses formes, de la plus barbare à la plus sophistiquée ; de la mort et un plaisir qui n'était pas celui de la simple satiété, qu'on aurait pardonné.
Afficher en entierLe réel finit toujours par suffire à quiconque cesse d'en réduire l'immensité par des rêveries plus immenses encore.
Afficher en entierSa race n'avait pas été créée pour défendre, intimider, encore moins attaquer ; mais mourir docilement.
C'était une race sacrificielle forgée par les Aztèques qui aimaient l'idée de partir pour l'inframonde guidés par un chien.
Ce chien, c'était le xoloitzcuintle – le bétail élevé pour mourir, le cheptel dont la valeur ne venait qu'à l'abattage.
Pas besoin de poils pour survivre aux Enfers. Pas besoin de forces, ni de crocs ; seulement d'une âme.
Afficher en entierParmi les anciens esclaves du cirque, une telle démonstration de force dénuée d'agressivité évoquait une humanité sans vices, un mélange de leurs pires et de leurs meilleurs souvenirs. Les baleines étaient dociles dans leur douceur, dominantes dans la souveraineté absolue de leurs décisions, portées par une puissance sans équivoque.
Afficher en entierElle n’aimait pas les primates. Qu’ils dirigent des cirques ou lancent leurs excréments, c’était la même engeance antipathique, et leur couple de bergers n’étaient qu’une exception.
Afficher en entierIl fallait se souvenir de ça : désormais les singes lançaient des objets pour défendre le groupe. Dorian, évidemment, fanfaronnait un peu, se frappant le poitrail dans la direction où la panthère avait fui.
Afficher en entierIci les nuits étaient interminables, plus longues encore que les jours. En attendant de retrouver d’autres gardiens plus fiables, il fallait être les gardiens les uns des autres. Les oiseaux des singes. Les singes de la panthère. Les éléphants de tous.
Il fallait être les humains les uns des autres.
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