Extraits

Nuage-gris offrit sa main à la jeune femme en pleurs et l’enlaça pour la réconforter.

Un vif soulagement s’empara de lui. Elle était vivante !

Sans plus attendre, il l’entraîna le plus loin possible de ce cauchemar de pierres, redoutant une riposte de la montagne.

Sans se soucier de ses blessures, il la hissa dans ses bras et la transporta jusqu'à l’orée des bois.

— La montagne…, articula-t-elle à grand-peine.

— Oui, qu’y a-t-il ?

— La montagne est vivante.

Nuage-gris lui jeta un regard surpris. Elle avait compris ! A rencontre de tous ces Wasicu qui venaient jusqu’ici pour parodier les rituels sacrés des Peaux-Rouges…

Alors il s’interrogea, non sans un certain malaise, sur ce qu’elle avait enduré, claquemurée au fond de cette grotte, pour parvenir à la conclusion que la montagne vivait.

L’Indien déposa la jeune femme contre un tronc moussu, loin des pentes dangereuses. Si la montagne devait manifester de nouveau son mécontentement, au moins, ici, Mercy ne craignait rien.

Enterrée vive…

Enfermée dans la gueule de la montagne !

Refusant de céder à la panique, Mercy reprit enfin son souffle en dépit de l’air oppressant et vicié.

L’obscurité demeurait impénétrable.

Mercy se revit enfant, terrorisée dans le noir, qu’elle peuplait à loisir de monstres terrifiants…

Qui sait quelle créature démoniaque avait, aujourd’hui, élu domicile dans cette caverne ?

La jeune femme n’osait plus bouger. Comment être sûre de ne pas faire un pas fatal et tomber dans un gouffre où elle serait happée par là mort ?

Le froid l’engourdissait !

Se blottissant contre le mur de rocaille, elle se mit à regretter d’avoir quitté la chaleur bienheureuse de ses couvertures. Comme elles lui manquaient !

Si elle ne mourait pas étouffée dans les prochaines heures, l’hypothermie, elle, se chargerait de l’achever.

Comment en était-elle arrivée là ? La dernière chose dont elle se souvenait, c’était qu’elle contemplait le feu pendant que Nuage-gris évoquait les forces de la vie.

Nuage-gris !

Et si cet homme l’avait hypnotisée pour la conduire dans cette profonde et sombre cavité ? Quelle manière de perpétrer un crime ! On ne la retrouverait jamais et on conclurait à une mort accidentelle.

Tapi sous le couvert des arbres, Nuage-gris observait la jeune femme qui escaladait avec peine le versant abrupt.

« Quelle folie de s’aventurer ici seule ! » songea-t-il non sans une certaine admiration.

La jeune femme glissa, trébuchant sur les pierres acérées. Mais avec une vigueur redoublée, elle recouvra son équilibre et reprit sa périlleuse ascension.

Plusieurs fois, Nuage-gris fut tenté d’écouter son cœur et de courir au secours de cette imprudente.

Mais comme tous les Blancs, l’inconnue ne manquerait pas de se méfier de lui. En effet, les Wasicu, qui le surnommaient le Renégat de la Montagne du Tonnerre, s’obstinaient à le croire dangereux… Ne l’avait-on pas accusé d’avoir tué le mari de sa sœur ?

En tout état de cause. Nuage-gris refusait d’effrayer cette jeune femme venue remplir une mission au nom de son peuple. D’ailleurs, personne ne lui avait demandé de bouter les étrangers hors de la montagne !

Sans bouger, il assistait à la pénible progression de l’inconnue, néanmoins prêt à intervenir en cas d’accident. Les mains et les genoux écorchés par les cailloux, la jeune femme avançait avec une volonté farouche. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter, pas même le sol qui parfois se dérobait sous ses pieds, menaçant de l’entraîner vers l’abîme.