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Les éditeurs, il ne faut pas trop leur en vouloir : ce sont des gardiens de cimetières... Ils améliorent de vieilles tombes : pas question d'examiner ceux qui remuent encore. Ils ne se laissent même pas affoler par les feux follets. Je ne croirai à un éditeur que s'il prie.
Afficher en entierExtrait du prologue :
«Je suis un loser, ce qu'on appelle un écrivain à insuccès, un worst-seller... J'ai complètement raté mon destin d'écrivain. J'ai écrit vingt-six livres totalement inutiles : personne ne les a lus, ou si peu. Flops sur flops. On ne me connaît que par ouï-dire. Je marche par le bouche-à-oreille; mais souvent la bouche est cousue et l'oreille bouchée... La plupart des libraires m'enfouissent comme si j'étais un déchet nucléaire !
J'ai publié mon premier livre il y a vingt ans, et depuis, chaque fois que j'en publie un nouveau, c'est comme si je publiais mon premier puisqu'on a nié le précédent. À partir du moment où c'est un livre de moi, il est voué à la négation instantanée. Sur la couverture, il y a toujours quelque chose qui gêne : c'est mon nom. C'est magique, il suffit que vous prononciez mon nom pour que tout se ferme. Mon nom, c'est l'anti-Sésame. «Sésame, fermé-la !» La consigne me concernant, c'est : motus. On ne me prononce pas. On ne se prononce pas non plus sur moi. Ça ne se fait pas, c'est incongru. Mon nom est un gros mot...»
Afficher en entierLes premières lignes
«J'ai vécu toute mon enfance devant des fouilles : de ma fenêtre je plongeais sur un chantier : toute la journée des types en tricot de peau harcelaient la caillasse. Je pensais à un bagne. En quelques années, ils ont dégagé tout un forum, des colonnes, quelques statues au marteau-piqueur... Il faut écrire son premier livre au marteau-piqueur... C'est ainsi que Sa Grâce la Littérature peut s'avancer dans les rubans, les étendards, s'enfoncer dans le terrain vague, parmi les Arabes, caresser les nuques comme un murmure ému...
Je ne décorerai pas mes livres. Pas question de leur trouver une forme. Une belle robe attrayante croulant sous les pompons. Hors de question de m'enfiorituriner élégamment. La prétention et la seule, c'est bien cette mise en forme, les détours de la composition, les travaux... Exactement comme si c'était de la cuisine. Toutes ces épices dedans pour que ce soit digeste (ou non). Travail mâché. Sinistre et cynique puérilité ! Il faut aller tout droit, de moi à vous, sans déformation. On doit retrouver l'univers de l'écrivain du début à la fin, dans une seule phrase, la première venue. Ceux qui cherchent la forme, c'est que leur écriture n'est pas vitale pour eux : ils ne dépendent pas d'elle. Elle ne les fait pas marcher ils veulent la maîtriser au contraire, la dompter et non la laisser intacte, sauvage, salope de griffes, surprenante pour tout dire ! Se laisser entraîner par elle dans sa brutalité, dans la jungle, bambouler ensemble parmi les bambous bouffis de lianes !...»
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