Extraits

Folle de rage devant le comportement de son ami, Elyne partit en courant sans savoir où. Au bout d'un moment, elle s'arrêta, sachant pertinemment que courir ne la calmerait pas. Elle donna un coup de poing dans un pauvre arbre qui passait par là, sa force amplifiée par sa magie, et laissa celle-ci exploser pour exprimer sa colère. Un tourbillon de feu se forma autour d'elle, les petits arbustes à proximité se mirent à perdre leurs feuilles, arrachés par ce vent trop violent et trop brûlant. Les animaux, effrayés, s'enfuirent tous devant le danger. Les oiseaux s'envolèrent avec précipitation et les mammifères bondirent le plus loin possible. Tous les arbres dans les vingt mètres autour d'elle frémirent, les branches devinrent cassantes, le feuillage tourna rapidement dans les tons rouges, et toutes les feuilles se détachèrent en même temps pour se faire emporter par le tourbillon flamboyant. Lorsque celui-ci s'arrêta brusquement, les feuilles tombèrent lentement à terre, se posèrent sans un bruit sur le sol mort. Elyne, tremblant comme une feuille, se laissa tomber à genoux dans la terre, serra les poings et cria. Une sorte d'onde de choc partit d'elle et se propagea dans les vingt mètres aux alentours. Le sol se durcit subitement, l'herbe et les fleurs moururent, frappées par cette colère, les feuilles à terre devinrent noires et s'émiettèrent en un quart de seconde pour se faire balayer par les vents, ne laissant qu'un cercle parfait au milieu de la forêt, un cercle sans vie.

Elle resta immobile, la respiration rapide, comme à court de souffle. Puis elle ferma les yeux, se concentra. Cette fois-ci, il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour sentir un courant chaud l'envahir, et pour pénétrer dans la vision de l'Essentiel. Elle écarta légèrement les bras, sa magie évacua son corps, glissa sur la totalité des vingt mètres à la ronde. Lentement, les arbres bourgeonnèrent, les bourgeons fleurirent, les fleurs se transformèrent en un épais feuillage, les feuilles se remirent à frémir sous la brise, comme avant. Il en fut de même pour l'herbe.

Elyne ouvrit les yeux, se leva, et, ayant retrouvé son calme, repartit comme si de rien n'était, vers le palais, en faisant semblant de ne pas avoir vu son ami.

Théo écarta un dernier fourré et la ville apparut devant eux.

– Voilà. Bienvenue à Lyys, Elyne.

Elle resta bouche bée.

L'idée que la capitale d'un pays – et même d'une planète entière – puisse se trouver au beau milieu d'une forêt avait paru absurde pour la jeune fille. Surtout que Théo avait insisté sur les technologies très avancées de ce monde. Mais maintenant qu'elle avait cette ville sous les yeux et qu'elle avait tout le loisir de l'admirer, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était magnifique.

De nombreux gratte-ciels s'élevaient au centre de l'immense ville, mais il n'y avait aucune ressemblance avec les mégapoles comme Tokyo, New York ou encore Shanghai. Non, ici, les bâtiments se fondaient parfaitement dans le paysage, les immeubles étaient de forme très différentes, et il n'y avait aucun bruit. Aux bords de la ville se trouvaient des lotissements, avec des maisons normales ou de grandes villas dignes de stars. Et plus on se rapprochait du centre, plus les bâtiments s'élevaient pour devenir de magnifiques gratte-ciels.

Ce qui était étrange, c'était que l'on avait l'impression que la ville était comme un fantôme, car on pouvait voir en transparence la forêt qui s'étendait derrière. Les bâtiments avaient une douce couleur à la fois argentée et bleutée qui se fondait dans le paysage. Un grand lac à l'Ouest envoyait les reflets de l'eau onduler sur les façades des gratte-ciels, donnant l'impression qu'ils se mouvaient comme s'ils étaient vivants. Et, à peine perceptibles, des objets volants circulaient à différentes hauteurs, pareils à des abeilles dans une ruche.

Théo avait le sourire jusqu'aux oreilles, fier de son effet. Il la laissa contempler un long moment avant de lui glisser :

– Et dis-toi bien que c'est encore plus beau vu depuis le lac. Lyys se reflète dedans, je n'ai jamais rien vu de tel.

Puis il commença à s'éloigner d'un pas tranquille. Elyne réussit à reprendre ses esprits et le rejoignit.