Tous les livres de Barry Hannah
L'inquiétant Man Mortimer vit sur les rives du lac Eagle dans le Mississippi. C'est un homme de l'ombre, à la fois dealer et mac. Il possède plusieurs maisons dans la région où il loge des prostituées. Il est influent car il semble connaître beaucoup de secrets.
Au bord du lac évolue une étrange communauté. Il y a d'abord la belle Melanie, une magnifique veuve septuagénaire qui vit entourée de vieillards atypiques : Ulrich, vieux reclus malade vénérant les animaux, le Dr Harvard, veillant sur sa femme atteinte d'un cancer tandis qu'il aime Melanie en secret, Sidney, vicieux lunatique de la soixantaine qui attend avec impatience la mort de son père pour récupérer le magasin de pêche. Il y a aussi Raymond, l'ancien docteur saxophoniste, et sa femme cubaine, chanteuse enchanteresse. En face, sur le lac, on trouve enfin un orphelinat tenu par Gene et Penny, un couple mystérieux que la mort de leur enfant a failli faire sombrer dans la folie.
Que dire de ce texte magnifique sinon qu'il achève de ranger Barry Hannah parmi les grands auteurs gothiques du Sud.
Avec pour toile de fond un «Deep South» dont les petites villes ne sont jamais loin des rivières et des lacs, Les grands solitaires présente le petit monde habituel de Barry Hannah : poètes alcooliques paumés traînant de bar en bar, vétérans de Corée mal réadaptés à la vie civile, gamins meurtriers en quête de pureté dans un monde trop lourd. Parfois, le narrateur se remémore son enfance, une sorte de Paradis perdu, lumineux, dans lequel la pêche devient une expérience mystique, et les adultes des demi-dieux.
On est frappé par la compassion et la délicatesse avec lesquelles Hannah traque les éclats de tendresse dissimulés sous l'ivresse, le mal-être, la violence. Ses héros sont des nostalgiques, qui se réfugient dans l'alcool ou dans le souvenir. Chez Hannah, tout était toujours mieux avant, et le temps dégrade. Hannah est un poète, qui se laisse porter par des associations d'images et de mots au fil d'une prose incantatoire sans équivalent depuis Faulkner.
Barry Hannah revient de loin, ceux qui ont lu La tête à l'envers le savent. Voyons à présent comment tout cela commença.
Geronimo Rex, le premier roman de Barry Hannah publié aux États-Unis en 1972, valut à son auteur de figurer sur la liste du National Book Award et lui apporta le prix Faulkner. Fortement autobiographique et intensément personnel, comme tous les livres de Hannah, Geronimo Rex évoque sa tapageuse jeunesse au Mississippi.
Ballotté tout du long entre le nauséabond et le bouffon, le jeune Harry Monroe est brûlé et ébranlé comme en une suite insupportablement interminable de décharges électriques. De la frénésie avant tout chose, avec échappées occasionnelles vers des moments de grâce - la musique - et défilé de quelques-uns de ces zombies du nouveau Sud dont l'auteur, depuis, parle dans tous ses livres. Voici le roman de déformation d'un garçon qui avait la gâchette aussi facile que la trompette...
Vingt-trois nouvelles denses, noires, tordues, d'un existentialisme grimaçant, qui parlent d'une Amérique dont l'héroïsme se réduit à une horde de menteurs et de lâches minés par l'alcoolisme, le vide et le sentiment de n'être jamais à leur place. Leur lecture donne l'impression d'avoir assisté à une parade de paraboles, où la violence exulte dans une joie et une bonne humeur d'autant plus surprenantes qu'on se demande, lecture faite, comment on a bien pu se laisser aller à rire d'un monde aussi désespérément condamné à une médiocrité quasi surnaturelle.