Tous les livres de Francine Noël
Je m'ennuie de ma mère. Non pas de la fée de mon enfance, mais de celle qui l'a remplacée, la femme fantasque et difficile avec qui j'avais des éclairs de complicité, le plaisir de smots et du rire. Je m'ennuie de son courage, de sa fougue et même de son implacable orgueil. Je ne saurai jamais ce qu'elle auraut pensé de ce siècle débutant et de ses convulsions, ni de tout ce qu'elle n'aura pas connu. La série de ses monologues est close et quand le téléphone sonne, je n'ai plus à redouter que ce soit elle, ce n,est plus jamais elle, plus jamais sa voix.
Satire sociale, roman à clés, chronique des années 1970, fête de langage: Maryse est un peu tout cela. De l'évocation désopilante d'un certain milieu intellectuel aux rapports amoureux faussement libérés qui devaient marquer cette décennie, la plume féroce de Francine Noël n'épargne personne - pas même Maryse, si attachante dans son désarroi. Mais au-delà de la caricature et de la charge sociale, le premier roman de Francine Noël raconte le douloureux apprentissage de l'autonomie d'une jeune femme, que ni l'époque, ni le milieu dont elle est issue, ni les hommes ne réussiront à entraver.
Myriam première, c’est deux mois dans la vie de Myriam, huit ans ou presque, fille de Marité et de François, et nièce de Maryse, écrivaine et tante « surnaturelle » de la gamine qui, par les nombreuses histoires qu’elle lui raconte, lui permet de découvrir son identité et de remonter aux origines des choses et du monde. Chronique du quotidien des années 1980 et de l’après-référendum, où s’entremêlent réalisme et fantastique, Myriam première décrit la passion de la narratrice pour Montréal et s’attarde à l’importance du rôle des aînés, des femmes surtout, dans la transmission de la culture. Grande fresque sociale, Myriam première raconte, à partir de la rue Mentana, en passant par le parc Lafontaine, le bar du Diable vert et le théâtre de la Sultane de cobalt, un Québec résolument moderne tourné vers l’universel.
Les personnages de la tribu montréalaise - Maryse, Laurent, Myriam, Lylith, Gabriel, Tristan... - se retrouvent à Mexico en novembre 1999, à l'occasion d'un Sommet de la Fraternité pour la suite du monde. Sommet planétaire qui cherche à trouver le passage vers le nouveau siècle, la paix essentielle. Mais passer d'un millénaire à l'autre est un rituel auquel personne n'est préparé. Comment faut-il faire le deuil d'un siècle qui brûle ses derniers feux sur le fond de corruption, de guerres, d'exploitation et d'utopies les plus désespérées, abandonné aux mains de l'Histoire qui immole tout sur l'autel de l'argent? D'un souffle épique et souriant, Francine Noël conjugue, dans ce roman d'une lumière somptueuse et grave, les forces de la vie et celles du temps. La Conjuration des bâtards, c'est celle de tous les humains qui résistent, refusant de se laisser emporter par les courants qui sacrifient l'existence dans son essence même. Vivre, c'est aussi la peine de vivre, sans laquelle aucun lendemain n'est possible. Avec la Conjuration des bâtards, Francine Noël clôt d'une main magistrale son grand cycle romanesque ouvert avec Maryse en 1983 et suivi de Myriam première en 1987.
Les personnages de ce roman sont atteints par la double flèche de la solitude et de l’échec. À quelques pas de Parc Lafontaine, si beau tableau vivant au coeur de Montréal, ils écrivent leurs lignes de vie avec les mots du deuil et de l’amour, ceux de la chair et du regard, ceux de l’énigmatique espace qui partage le corps social et le corps privé ; celui-là empêtré dans les voiles culturels de la sujétion, celui-ci emmêlé dans le draps de l’affection et de l’absence.
