Tous les livres de Kiko Herrero
Une baleine morte, la sierra de Madrid, un terrain vague très vague, du vermouth, 40°C, des forains, la mort, la Cruz de los Caidos, des rats et encore des rats, un gorille, un détournement d’avion, une vierge, un alcoolique, des entrailles, Jeanne la Folle, une vieille voyeuse, un exhibitionniste, une source miraculeuse, cinq enfants, une seringue, une culotte, de Gaulle, des collabos, le Caudillo, un lycée, un arc de triomphe, un petit âne, un litre de vin, la peur, le Parc de l’Ouest, un garde forestier, une banane, deux fillettes, une mère, un magistrat à la retraite, un garçon, un curé, de la bave, Dieu, un courant intestinal, des robes de chambre et des robes de chambre, du champagne catalan, la guerre civile, de la mélancolie, de la fibre synthétique, du cognac espagnol, des poèmes d’amour, un anaconda, un porte-plume, du granit, un corbeau, du sang, de l’amertume, une bâtarde, Puerto Real, de l’huile d’olive, du vin rouge, un guardia civil, Utrillo, un juge franquiste, une actrice italienne, Antonio Machado, un forgeron républicain, encore du vermouth, un autre curé, un fou, des squelettes, un rai de lumière, dix balais espagnols, une Bultaco, encore Jeanne la Folle, un abbé, la poussière, du formol, la pute Vierge, des évangélistes, un représentant en chorizos, l’Atlético de Madrid, un rein, un sandwich à la mortadelle, une veuve phalangiste, des poils noirs, des aveugles, un placard, des rois Visigoths, des lilliputiens, Angela Molina, Marlon Brando, le Trocadéro, des amphétamines, un général, encore des bâtards, le Prado, une schizophrène, la Gran Vía, la Bohème de Puccini, du désir, Ceuta, un héros franquiste, Torremolinos, des marquises droguées, Antonin Artaud, des chiens galeux, le Roi du pneu, du paracétamol, une secte phallique, encore un aveugle, encore un curé, des organes génitaux, de la charité, le mystère de la Sainte Conception, des noctambules, de la vodka, un avortement, Léonid Brejnev, Caracas, l’Australie et enfin Paris. C’en est trop ! Tout lui revient en cascade : les jeux de l’enfance, la fin du franquisme, la Movida... Quitter Madrid ou finir au caniveau. Mais le passé n’est pas passé, le temps n’est pas mort. Vingt-cinq ans après il doit revenir. Tout est dégradation. Sauve qui peut, sauve qui peut Madrid !
Début 2015, à la fin de la nuit de l’épiphanie (prétexte à de grandes festivités en Espagne), alors qu’il rentre dans l’appartement qu’on lui a prêté Plaza Mayor à Madrid, Kiko Herrero est terrassé par une violente douleur au poumon. Transporté d’urgence à l’hôpital un interne diagnostique un cancer au dernier stade. Que l’on se rassure : il s’agissait d’une erreur de diagnostic. Si l’auteur de ¡ Sauve qui peut Madrid ! est effectivement très malade, il ne s’agit « que » d’une pneumonie et ses jours ne sont pas en danger. Il n’empêche, pendant quelques jours, il va croire sa fin arrivée. Alors, entre délires dus aux médicaments et imagination morbide, il va se souvenir. D’abord de ce que ce lieu représente pour lui, ce fameux Hôpital Clínico, gigantesque centre hospitalier madrilène où il est né, où son père est mort, où il a dû aller, aux urgences notamment, ou visiter parents ou proches, tant de fois. Ensuite il revit cet itinéraire qui lui avait autrefois fait fuir Madrid pour aller à Paris, ses années de galère, un détour par Londres, et puis retour à Paris, décidément, où il exercera tous les métiers, connaîtra tous les excès, et fera sa vie.
On connaît la verve de Kiko Herrero, son talent a décrire, à évoquer, en grossissant éventuellement le trait, en imaginant des développements comiques ou fantastiques à la réalité déjà passablement riche qui est celle de sa vie. Cette verve se donne libre cours ici, dans une véritable exubérance mémorielle.
(Source: Éditions P.O.L)