Tous les livres de Marcel Séguier
Le titre est emprunté au poème de Rutebeuf. Marcel Séguier est, pour le principal, romancier. Mais dans ces récits s’apparentant à des nouvelles, les héros sont bien réels, qui font pour la plupart partie de l’histoire littéraire. L’auteur y fait participer son lecteur à des moments significatifs par de petites anecdotes.
On y fait des rencontres, toutes inédites car personnelles. Ce mot de « rencontres », il a tenu à ce qu’il paraisse en sous-titre de cet ouvrage inspiré par la fidélité, la gratitude, une amitié émue qu’a ravivé le souvenir. On est mis dans une confidence dont les échos murmurent encore dans l’esprit et le cœur du témoin. Mais une surprise attend sur la fin le lecteur. Voici qu’à côté des êtres prennent place et prennent leur part d’âme des « choses inanimées », selon le vœu du poète. C’est, se substituant au prestigieux escalier de marbre blanc qu’il gravit, celui « de service » que l’enfant empruntait avec sa maman femme de ménage. Près d’accéder au salon d’apparat où il sera reçu par le président du Sénat de la République, le vieil enfant marque une pause. En cet instant il sait très fort qu’il est le fils des Jacques, et, par-delà les générations, celui de Pierril l’aïeul qui se louait de ferme en ferme à la saison. Il peut continuer son ascension, « le joueur de flûte n’a pas trahi » ainsi que le chante Brassens.
L'oxymore du titre situe bien ce roman dans sa réelle signification, en d'autres temps on eut dit sa « morale ». Dans le déroulement d'une étrange aventure chaque mot paraît pour dépeindre un monde dérisoire et drôle de petites gens afin, semble-t-il, d'enseigner le lecteur en même temps que de mettre en doute une lueur d'intelligence qui nous effleurerait au détour d'une page. Ainsi sommes-nous passagers de ce train avec, qui nous subjugue, un contrôleur qui participe autrement d'un temps à la durée non précisée. Voyage pressenti initiatique où sur le rail le train, lancé à vive allure, revêt parfois l'apparence de la fameuse barque sur le Styx... Mais qui parle ? On sait de plus en plus, de mieux en mieux, que le narrateur appartient lui aussi au royaume des ombres, qu'il assiste à son propre enterrement dans un banal cimetière. Et c'est de là qu'il s'adresse à eux tous, ceux du wagon. Et donc à nous qu'il fait penser. Passeur onirique, Marcel Séguier embarque ses témoins pour un voyage différent où « la vie si l'on veut bien voir ne serait qu'une grande métaphore, une sorte de tapisserie [...] comme une toile de Jouy où on ne sait qui est à la poursuite de qui. » Une métaphore - transport dans l'étymologie - qui nous entraînerait, au cours de ce voyage, à la rencontre d'un impensable « terminus infini ».
Résumé de 4e de couverture Pérégrinations (et géographies) outrancières
Peut-être, sans doute, suffirait-il de laisser la parole au poète espagnol, telle qu’elle est rapportée par l’auteur dans l’exergue qui prélude à ce roman qui n’est que d’aventure : « Ne me demandez pas d’expliquer quoi que ce soit ».
Non moins serait profitable d’interroger ce grand corbeau compagnon de voyage de l’homme parti pour visiter « le monde extatique » qu’il espère, car l’oiseau tient pour sa part la plume, oserons-nous dire. Lui est à l’évidence plein d’idées au cours de ce récit qui n’est guidé par aucune en particulier.
Empruntant une fois encore à Lorca, entreprenons « avec sérénité ce voyage ». L’auteur espère qu’avec ce qu’il a vu, entendu, inventé – ainsi dit-on à propos de celui qui a trouvé un objet – le lecteur mis en appétit ne sera pas déçu.
Je pars pour un long voyage.
Pauvre et tranquille, je veux visiter le monde extatique où vivent tous mes paysages perdus,
J’entreprends avec sérénité ce voyage mais ne me demandez pas d’expliquer quoi que ce soit.
Federico Garcia Lorca
(“Dans les bois de cédrats de lune”. Poème extatique. Prologue)
À propos de l’auteur : Marcel Séguier
Marcel Séguier est un romancier et essayiste franco-suisse né à Montpellier le 27 juin 1929.