Tous les livres de Michel Chauvière
Le travail social se réinvente sous nos yeux depuis deux décennies. Il développe de nouvelles cibles, de nouveaux savoir faire et de nouveaux rapports avec les administrations publiques. L’ouvrage de Michel Chauvière propose une radioscopie du travail social dans ses rapports avec la clinique et l’action publique. A la fois généalogique et prospectif, il dessine une architecture souvent peu perçue et fera date dans la gamme des essais réflexifs sur un champ essentiel de notre société.
Ces dernières années de nombreuses lois ont été votées qui ont en commun de mettre en place un contrôle social renforcé des populations en situation de marginalité. Elles débouchent sur une conception des rapports sociaux où les pauvres et les exclus sont désignés comme responsables de leur situation et comme des délinquants en puissance. Contrôles et fichages des chômeurs, des allocataires des minima sociaux, des populations issues des quartiers populaires, des parents démissionnaires, ce sont là les seules réponses apportées à l'approfondissement de la crise sociale. Ces dispositifs modifient en profondeur les missions des professionnels de l'emploi, de l'action sociale, de la santé ou de l'éducation. La chasse aux fraudeurs s'impose comme une nécessité financière et morale. La privatisation de l'intervention sociale est en marche et certains services publics sont désormais gérés comme des entreprises, à la recherche de clients solvables. C'est à la compréhension de ce processus que cette Note de la Fondation Copernic veut participer en permettant aux professionnels de la justice, de l'action sociale, aux élus, aux syndicats et aux associations d'engager ensemble un débat pour des actions communes.
Ce livre met à jour l'action "du paternalisme nauséeux" de Vichy, du corporatisme remis à l'honneur et de la technicisation des problèmes sociaux dans la création des institutions de l'enfance inadaptée, il étudie cet héritage dans les années de l'immédiat après-guerre, durant lesquelles le dispositif va se développer et surtout se verrouiller. "L'efficace des années quarante" permet à l'auteur de répondre aux vives controverses qu'a suscitées la thèse générale de ce livre et d'élargir son propos jusqu'à l'actualité des politiques sociales.
Au cours du XXe siècle, un modèle social s'est imposé en France au prix de luttes parfois dures et longues. Beaucoup d'intelligence et de pugnacité ont été nécessaires pour penser et mettre en œuvre une architecture pertinente, à la hauteur des enjeux. Celle-ci repose notamment sur quatre principaux registres interdépendants : les droits, les institutions, les savoirs et les actes de métier.
Or les politiques mises en œuvre ces dernières années opèrent une dislocation de ces différents registres, au nom du pragmatisme, de l'individualisation ou de la performance. En outre, la recherche effrénée d'économies s'accompagne d'un lot de publicités mensongères (qualité, libre choix, droit opposable...). Un intense travail de remise en cause des représentations du social et des valeurs de solidarité est passé par là, contribuant à affaiblir les pratiques de terrain et la culture politique propres au champ social, malgré la remontée préoccupante des inégalités. Comment y résister collectivement ?
Poursuivant la réflexion entamée dans Trop de gestion tue le social (La Découverte, nouvelle éd. 2010), Michel Chauvière montre ici que notre héritage juridique, institutionnel, cognitif et professionnel, loin d'être la cause d'inutiles dépenses publiques et d'un assistanat chronique, constitue au contraire une ressource incontournable pour apporter une réponse solidaire et globale à la question sociale qui nous interpelle tous.
Qui gouverne le social ? Pareille question ne peut rester purement formelle. Mais comment évaluer le poids respectif des nombreux acteurs concernés ? D'abord, ne pas séparer l'aide et l'action sociales de la Sécurité sociale, l'assistance de l'assurance : les chemins sont différents, mais, d'un pays à l'autre, la mobilisation pour garantir la protection est souvent commune. Puis, prendre acte du brouillage contemporain des frontières entre ces deux grands ensembles (multiplication des conditions de ressources, montée en puissance de la fiscalité dans le financement, progrès de la construction européenne'). Les auteurs examinent le système de protection collective dans sa globalité ainsi que les inflexions qui ont affecté chaque composante. Ils s'attachent aux enjeux normatifs et procéduraux sous-jacents aux politiques publiques (universelles ou ciblées), aux questions institutionnelles soulevées par le jeu des acteurs (administrations, caisses, syndicats, mutualité, associations), aux stratégies développées par certains groupes professionnels ou encore aux évolutions ayant affecté le régime contentieux. Privilégiant une démarche résolument pluridisciplinaire puisqu'ont été mobilisés aussi bien des juristes, des historiens et des sociologues que des politistes et des économistes, le présent ouvrage entend contribuer au débat suscité dans notre pays par les multiples transformations dont le social a fait l'objet ces dernières années.
Les rapports entre État et sciences sociales offrent un terrain d'observation privilégié pour étudier l'évolution des arts de gouverner contemporains. Cet ouvrage retrace l'histoire des organismes de commande et de financement de la recherche en sciences sociales dans les administrations françaises depuis les années 1960 et il en propose un premier bilan. Que se passe-t-il, en effet, à l'interface d'administrations en quête de savoirs opérationnels et de chercheurs acceptant de répondre à la demande publique ? Depuis les années 1960, en France, l'État soutient le développement d'une " recherche publique incitative ", espérant ainsi mieux connaître les phénomènes sociaux et surtout agir de façon plus éclairée. Dans quels contextes, à quelles fins et sous quelles formes ce " pilotage " s'est-il institutionnalisé ? Concrètement, comment les administrations se sont-elles intéressées aux sciences sociales, critiques par vocation, et jusqu'à quel point s'en sont-elles accommodées ? De leur côté, soucieux de ne renier ni la rigueur scientifique ni l'autonomie des savoirs et des disciplines, quelles relations les chercheurs ont-ils entretenues avec de telles commandes ? Alors que l'État est resté l'acteur majeur de leur professionnalisation et du financement de leurs activités, pourquoi et sous quelles conditions ont-ils accepté de réaliser des travaux suscités par les administrations, pour quels usages et avec quel impact ? Réunissant dix-sept contributions originales, cet ouvrage inscrit ces " interfaces organisées " dans les conflits politiques, idéologiques, institutionnels et professionnels qui ont traversé la Ve République.