Tous les livres de Noémi Lefebvre
«Alors oui je pourrais décliner mon identité, signaler des antécédents, une enfance, des provenances, des préférences et dire qui je suis devenue vraiment en dehors des opinions de ce con de Jean-Luc mais ce serait m’expliquer, je pourrais sortir mes papiers et mon CV comme j’ai déjà fait, toute ma science et ma photo et mes certifications et mon carnet de vaccination, donner des indications d’origine sociale, de territoire, tout de suite, pour commencer, indiquer mes goûts et mes couleurs, mes engagements et ma position sur des questions générales comme où en sont les gens et où va la planète, l’Amérique ou la Chine, la mer ou la montagne, me faire un personnage, oui bien sûr il faudrait, mais ça ressemble à rien parfois les personnages qu’on se fait.»
Réfugiée chez sa vieille mère, Martine regarde des séries dans son lit sans rien faire. S’installe alors une régression en miroir, conflictuelle et fusionnelle, traversée d’autres épreuves : tentatives de suicide puis camisole chimique. À l’hôpital, Martine refuse de passer aux aveux pour guérir et se lance dans une archéologie de l’enfance politique : et si le trauma ne tenait pas à quelque secret de famille mais résultait des barbaries du XXe siècle? La violence qui l’a sidérée serait ainsi la poursuite de la guerre par d’autres moyens. Au lecteur de faire la part ici de ce qui relève de la confusion mentale ou de l’extralucidité.
Prenant les enjeux de ce psychodrame à contre-pied, Noémi Lefebvre donne à ce duo de femmes une vitalité burlesque, y compris dans les moments désespérés, et esquisse entre elles, in extremis, une complicité libératrice.