Tous les livres de Rémy Stricker
Qu'il soit à l'écoute du sociologue ou du psychologue, de l'homme de théâtre ou du musicien, notre contemporain interroge passionnément l'opéra de Mozart. Car il est tout cela aussi, le plus pur compositeur longtemps comparé à Raphaël, et qui se profile là entre Shakespeare et Marivaux. Comme eux, il a traversé les siècles en réfléchissant toujours quelque chose des temps nouveaux. Son sens aigu de ce qu'il nomme l'"effet" dramatique se manifeste avec une telle exigence dans la collaboration avec ses librettistes qu'il transfigure même les plus doués d'entre eux. Et, pour lui comme pour Goethe, il semble que toute contrainte se mue en promesse de liberté. Dans ses lettres et celles de sa famille, l'homme qui a crée ce microcosme apparaît comme une sorte d'arlequin désinvolte et sage : enfant bouffon autant que philosophe prophète. En questionnant ces textes - dont beaucoup n'ont pas encore été traduits en français -, en revenant aux partitions originales, souvent déformées par les représentations, l'auteur se demande ici de quelle expérience personnelle est née cette création transparente et mystérieuse. La virtuosité, la tendresse, l'intelligence de l'opéra mozartien émerveillent encore davantage lorsqu'on découvre la part de confession, mais aussi de transposition et de sublimation, qui en fait une aventure de l'esprit créateur. Où le génie se nourrit et s'affranchit à la fois de la simple condition d'homme.
Le secret de la création artistique est-il impénétrable ?
La question suscite périodiquement des mouvements contraires : on cherche à l'éclairer par les nouvelles conquêtes du savoir ou l'on s'en défend comme d'une sorte de sacrilège. Et le romantisme, qui parle tant de lui-même et invente pour ainsi dire la notion de génie, tout près de la situer en marge de la raison, fait figure de tentateur.
Le musicien, bien moins souvent étudié que le poète ou le peintre, semble échapper mieux encore à l'investigation. La folie de Schumann a pu servir à "expliquer" ses chefs-d'oeuvre, mais elle se vengeait en condamnant du même coup une grande part de sa musique, qu'on ne connaissait pas car on ne l'écoutait pas. Ce que la musicologie et la psychologie ont découvert depuis lors remet en présence d'une interrogation devant laquelle Freud lui-même, si prudent lorsqu'il s'agit de l'art, a toujours manifesté quelque chose comme la crainte du tabou. Partant de la folie, l'auteur construit une enquête où c'est finalement la musique elle-même qui dévoile, plus que la vie de l'auteur, la logique énigmatique de la création.