Extraits

Arabe. Cinq lettres pour nous définir, nous distinguer, nous identifier, nous appeler, nous insulter aussi. Cinq. Hamsa. Chiffre protecteur ? Il est une main couvrant notre visage pour éviter le viol des regards, ces regards racistes en quête du détail physique (génétique ?) qui prouverait notre infériorité raciale et légitimerait les violences.

Être arabe, c'est être un sale Arabe. Toujours. A chaque moment.

Quand Raphaël s'est approché de moi, jeudi matin, et m'a tendu la carte, j'ai rougi. Son insistance à affirmer son amitié, au-delà de nos différends, m'a touché : il m'invitait à la bar-mitsva de son frère ! J'ai soudain eu honte de m'être éloigné à cause de Cécile et me suis senti très con : après tout, en quoi était-il responsable du fait qu'elle l'ai préféré ? N'aurais-je pas agi comme lui, si j'avais été l'heureux élu ?

- J'invite seulement Cécile et toi, a-t-il dit.

Une manière de nous réunir, une occasion de prendre un nouveau départ.

Qu'il est compliqué d'être juif, d'être juif marocain, d'être français de religion juive et d'origine marocaine !

Qui doit-on fréquenter, aimer, soutenir ? Qui sont les amis, les ennemis ? Parce qu'à cet âge, se sentir exister revient avant tout à pouvoir se définir, à bénéficier d'une histoire commune, de traditions, d'une manière de voir les choses, avec des amis et des ennemis. Les événements récents me rapprochent des Marocains, le lointain passé plutôt des juifs. Il en est de même pour les traditions : la religion définit une frontière, les coutumes m'en présentent d'autres.

Et le futur sent la division.