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Je sais très bien à quoi vous pensez, là maintenant. Si Peyton considérait que nous étions assez amies pour me demander de participer à la cérémonie de son mariage, pourquoi diable ne l’avais-je plus appelée depuis la noce ?
Eh bien, vous voyez Cruella ? Pendant tous les préparatifs de l’événement, Peyton se montra à peu près aussi gentille avec son entourage que cette charmante dame avec les cent un dalmatiens. Ceux qui l’approchèrent de trop près ressortirent de cette histoire, au mieux traumatisés, au pire humiliés pour le restant de leurs jours. Vous l’aurez compris, Peyton est une égocentrique patentée. Mais pendant les semaines qui précédèrent son mariage, elle se mua en une sorte de folle maniaque, façon mégagarce.
N’évoquons même pas ces immondes robes qu’elle avait tout spécialement choisies pour ses demoiselles d’honneur. Ni son insistance pour que tout ce que nous portions soit absolument identique, jusqu’à la teinte chair de nos collants Donna Karan. Franchement, ce soir-là, je m’étonnai qu’elle n’inspecte pas nos culottes pour vérifier qu’elles étaient bien assorties. Entre autres exigences : interdiction formelle de bronzer pendant les deux mois précédant la noce, parce qu’elle ne voulait pas être moins dorée que nous. Défense en outre de s’offrir un balayage sans sa permission. Elle nous noyait sous des e-mails chargés de nouveaux détails sur l’événement et sur le rôle que nous devions y jouer. Bien sûr, elle ne put pas tout contrôler. La veille du mariage, en sortant de l’église pour une dernière répétition, toutes les demoiselles d’honneur arrivèrent en retard au dîner à cause d’un accident de la route. Peyton ne se demanda même pas si nous étions blessées, choquées ou même toujours vivantes ; elle piqua immédiatement une crise. Nous étions à peine arrivées qu’elle nous tailla un short devant tous les autres invités, nous accusant d’avoir gâché la soirée.
À dire vrai, j’avais même été surprise que Peyton me demande de participer à ce maudit mariage. Demande, que dis-je ? Elle se contenta de m’informer que j’allais avoir cet honneur. Sa stratégie consista à me prendre de court. Elle m’appela, au cours de l’automne précédent, pour s’enquérir de ce que je faisais le troisième week-end d’avril. Quand je lui répondis : a priori, rien, elle fit sa proposition, sans me laisser une porte de sortie. Elle me rappela même qu’elle m’avait promis de m’inviter à son mariage, quelle qu’en soit la date, quand nous partagions notre chambre à l’université. Je n’avais aucun souvenir d’un tel engagement. Mais je ne pouvais décemment pas le lui avouer.
Quelques jours après la cérémonie, une fois le traumatisme dissipé, les autres demoiselles d’honneur se montrèrent prêtes à tourner la page. Elles imputèrent le comportement de Peyton à une accumulation de motifs de stress : se marier, épouser l’un des hommes les plus riches de la ville et assurer le service traiteur de sa propre réception, ça vous met les nerfs en pelote, non ? Il se trouve que, comme elles travaillaient pour Peyton, le choix était le suivant : oublier l’affront, ou faire une croix sur leur salaire. Mais je n’étais pas confrontée à ce dilemme. Et toutes les huîtres, le caviar béluga et les bouteilles de Veuve Clicquot du monde ne pouvaient excuser son attitude. Je décidai de l’éviter pendant un certain temps. Lorsqu’elle m’appela, en août, pour me demander de participer à un événement se déroulant dans son école de cuisine, je déclinai poliment. Je pense qu’elle comprit alors que j’étais vexée. Quoique pas forcément. J’étais désormais convaincue que le seul amour-propre que Peyton Cross prenait en considération était le sien.
Rien de tout cela, néanmoins, ne m’empêcha de lui téléphoner chez elle, dès le mercredi matin, pendant que je me préparais du café. La personne qui répondit au téléphone, sans doute la gouvernante, m’annonça que Peyton était déjà partie à la ferme. Elle me renvoya sur le standard, qui établit la connexion.
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