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Gevinski balaya la bibliothèque du regard. Une pièce immense, entièrement lambrissée, contenant trois canapés et je ne sais combien de fauteuils, poufs et guéridons. Plus un palmier provenant de la serre de notre voisine. Deux lustres. Et des bouquins, naturellement. Lorsque Richie avait décidé d'acheter Le Havre des Mouettes, je m'étais insurgée. Ce n'est pas une maison pour nous, Richie, voyons. Mais il s'était contenté de pincer les lèvres : pareille réflexion ne l'étonnait nullement de ma part. J'insistai : et si nous nous égarions en allant à la cave et que nous ne puissions plus jamais en revenir ? Et puis avec quoi allons-nous garnir une bibliothèque de cette taille ?
Afficher en entierCe type n'avait vraiment pas la gueule d'un grand détective. «a n'était pas le flic plein de compassion refoulée pour les souffrances de l'humanité, ni le genre chien battu comme Peter Falk. Non, Gevinski était d'une tout autre étoffe - c'était le genre ron-douillard et asexué, qui ne bouffe que du riz au lait.
Afficher en entierJ'avais h‚te de me débarrasser du trench-coat de Richie, mais alors que je cherchais une excuse pour pouvoir monter me changer sans avoir l'air trop fri-vole, mes genoux se mirent à s'entrechoquer furieusement, comme si j'avais voulu faire un exercice d'aérobic à la Jane Fonda. Je saisis la première chaise qui me tombait sous la main et m'assis a la table de lecture. La table et les chaises faisaient partie des toutes premières acquisitions de Richie en matière d'antiquités anglaises. Les tiroirs du bureau portaient des incrustations en bronze représentant les lettres de l'alphabet.
Afficher en entierRichie non plus. C'est alors que je réalisai qu'il était mort. qu'éprouvai-je alors ? Mon sang se glaça dans mes veines, j'étais comme morte en dedans. Non, ça n'est pas tout à fait exact. C'était Richie, le mort. De le contempler ainsi, gisant à terre, ça n'était pas tant sa totale inertie que son aspect vivant qui me faisait hurler son nom. D'un moment à l'autre il allait ouvrir les paupières, pester contre mon délire hystérique et extraire lui-même le couteau de sa poitrine. Sauf qu'il ne le fit pas.
Afficher en entierJe m'obligeai à regarder son cadavre étendu en travers du parquet de chêne sombre, poings fermés, la main droite retournée, pouce en l'air, ce qui, compte tenu des circonstances, était particulièrement déplacé. J'éprouvai une envie subite de le remettre en place. Mais j'avais déjà touché au couteau, et je savais que la police n'appréciait guère ce genre d'initiatives.
Afficher en entierC'est alors que je me mis à hurler, Oh, non ! Oh, mon Dieu, non ! Puis à courir en tous sens comme une folle, pendant près d'une minute, en agitant les bras. Je heurtai le buffet en érable, envoyant valser un plat en faÔence de Delft et une soupière en forme de dinde qui allèrent s'écraser à terre dans un fracas assourdissant. Après quoi je criai encore un peu. Sans doute avais-je vu trop de films d'horreur. que fait une femme lorsqu'elle se retrouve nez à nez avec un cadavre ? Elle pousse un cri tellement strident qu'il donnerait presque envie au bon Dieu de revenir sur sa décision.
Afficher en entierC'était Alexandre, bien s˚r ! Ayant épuisé toutes ses économies, il avait décidé de rentrer à la maison, comme toujours. Et comme toujours, il avait abandonné son sac à dos à la cuisine avant de monter dans sa chambre avec sa petite guitare adorée.
Afficher en entierMon estomac commençait à réclamer : un pot familial de yaourt à zéro pour cent de matière grasse ne pouvait pas me faire de mal. Ni une ni deux, je m'élançai dans l'escalier monumental tout en sachant pertinemment que mes pas me conduiraient tout droit vers le congélateur et - tiens, tiens, quelle bonne surprise ! - les pizzas à la saucisse et à la viande hachée que je gardais au cas o˘ les garçons rentre-raient à la maison. ¿ moins que je ne me laisse tenter par un hot-dog, ou même trois. Depuis que Richie m'avait quittée, je commençais à avoir un petit ventre.
Afficher en entierAvec ma veine, je risquais de tomber dans un coma persistant. Rongé par les remords, Richie n'aurait pas hésité à me confier aux soins des meilleurs spécialistes : moyennant quoi je me serais retrouvée condamnée à passer les trente dernières années de ma vie dans l'isolement cosmique, incapable de lire un seul roman, prisonnière à perpétuité de mon propre corps.
Afficher en entierJ'étais seule, terriblement seule. Mon mari envolé. Mes gosses élevés. Et notre beagle, Irving, mort la première semaine d'ao˚t. J'errais dans la maison comme une ‚me en peine, en pensant à la chaleur de Richie, à la chaleur de mes enfants, au nez froid et humide de ce cher Irving.
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