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Alors, pour la première fois, je m’étais dit qu’ils me mangeraient peut-être, pour écarter aussitôt cette hypothèse : s’ils avaient voulu me manger, ils n’auraient jamais laissé ma chair pourrir à ce point, comme ils ne m’auraient pas affamé. Je n’étais plus assez appétissant pour être dévoré.
— Je ne suis pas assez goûteux pour que vous me mangiez, avais-je marmonné à travers la bruine, trop fatigué pour choisir entre réfléchir et parler.
Vous et moi n’aurions jamais entendu mes paroles, mais ils avaient l’ouïe très fine.
— Ton cœur l’est peut-être encore, avait-il commenté sans la moindre ironie ni le moindre sous-entendu.
Ce n’était pas comme de parler à quelqu’un. Il n’était qu’une ombre parmi les ombres.
— Très bien !
Que l’on mange mon cœur me semblait parfait. Définitif. Je ne demandais pas mieux que de m’étendre par terre avec les morts – ne plus rien sentir, ne plus rien voir, et ne plus me souvenir de rien. Mais tel ne fut pas le cas.
Mes souvenirs étaient intacts.
Ceux que j’aurais préféré oublier, en particulier.
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