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Quand il m'avait appelée au téléphone, Ebelwyn avait soufflé, hors d'haleine : « Y'a un cadavre. Une nymphe, je crois. Vous pourrez pas la rater. »
Concentration maximale. Tous les sens en alerte. Quelque chose rôdait dans les ténèbres; je devais découvrir quoi. Ce n'était pas facile : en trente et un ans, je n'avais fait confiance qu'à mes instincts d'être humain. Or, depuis peu, je possédais des aptitudes d'outre-mondienne. On m'en avait fait cadeau.
La voix d'Aaron a retenti dans mon esprit: «Régulez votre respiration. Concentrez-vous au maximum. »
Je ne faisais que ça depuis deux mois. Me concentrer, canaliser mon énergie, focaliser mon attention, travail er sans relâche, jusqu'aux larmes. Je progressais.
J'ai fait le vide dans mon esprit mais, aussitôt, un poing glacé s'est refermé autour de ma gorge.
J'ai eu l'impression qu'une vril e de noirceur maléfique essayait de m'étrangler. J'ai trébuché. Agrippé mon cou. Senti un goudron épais m'emplir la trachée. Et cédé à la panique. Mon pouls- s'est accéléré.
Calme-toi, Charlie. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel.
J'ai reculé d'instinct. J'ai trébuché une deuxième fois, mais je me suis rattrapée in extremis. Vite, trouver la porte latérale, et faire entrer Hank.
La peur me pétrifiait de la tête aux pieds, j'en avais le corps qui bourdonnait. À tâtons, mes mains ont cherché la poignée de la porte, lâchant la lampe torche. Mes doigts l'ont trouvée. Une vague d'énergie brûlante m'a traversée, mon bras s'est animé d'un coup et j'ai tiré sur la poignée avec une tel e violence que le gond s'est à moitié arraché.
L'instant d'après, la sensation avait disparu.
Courbée en deux, les mains crispées sur les genoux, j'ai laissé l'oxygène se déverser dans mes poumons. Je n'avais pas lâché mon arme. Pendant tout ce temps, je n'avais pas pu respirer. J'ai avalé de longues goulées d'air et j'ai remis de l'ordre dans mon esprit. Je n'avais rien maîtrisé. Tout était al é beaucoup trop vite.
Une ombre est apparue sur le sol de l'entrepôt. J'ai relevé la tête. Hank s'est éclairci la voix en arquant un sourcil, puis il a posé la main sur la porte pour la bloquer alors qu'il pénétrait dans le bâtiment.
J'ai ramassé ma lampe torche en grognant:
— Je ne sais pas ce qu'on va trouver. Attends-toi au pire. Il a promené son regard autour de lui.
— C'est quoi, cette odeur ?
C'est vrai que ça sentait le rat crevé.
— L'étage est envahi de hiboux, ai-je précisé. Ils ont dû laisser des restes de rongeurs un peu partout.
Une fois encore, Hank et moi étions seuls sur ce coup-là. Travailler dans l'ombre avec le B.S.I., cela voulait dire révéler à nos supérieurs les informations obtenues qu'en cas d'absolue nécessité. Nous étions les uniques agents du cinquième étage des bureaux d'Atlanta, des hors-la-loi cautionnés par le gouvernement. Notre job: mettre hors d'état de nuire les pires criminels outremondiens de la vil e. S'il nous arrivait malheur, nos supérieurs de Washington nous remplaceraient sans hésiter. Pour eux, tous les moyens étaient bons: corruption, chantage, promesses... Ils ne chercheraient même pas à savoir ce qui était arrivé à leurs deux agents. Hank et moi étions des fantômes. C'était comme si nous étions déjà morts.
Afficher en entier— Hank ! Fais-moi la courte échelle.
Ce n’était pas trop demander. J’étais suspendue à quelques centimètres du sol, les doigts crispés sur l’appui de la fenêtre brisée.
J’ai tourné la tête et j’ai décoché un regard cinglant à mon partenaire.
— Hank ! Tu viens m’aider, ou quoi ?
Il n’a pas bougé d’un pouce.
J’ai plissé les yeux, mais il est resté là, à me regarder, les sourcils froncés comme à son habitude. J’ai fait mine de lui donner un coup de pied, et j’ai bandé les muscles. J’avais les bras et les épaules en feu.
— Laisse tomber.
J’ai lâché prise et j’ai poussé Hank vers la fenêtre en grommelant :
— Tu es plus grand que moi. Vas-y.
Mon coéquipier a haussé un sourcil blond foncé. Il a fait basculer le poids de son corps sur une jambe, a laissé passer deux secondes, et a lâché un soupir dubitatif. Sa belle voix de baryton s’est élevée dans le parking désaffecté :
— Question à deux balles, Charlie : est-ce que le chef est au courant de notre petite virée de l’après-midi ? Je suis sûr que non.
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