Extraits

Quelqu’un se raclant la gorge nous ramena au présent.

— Si vous avez fini d’être mignons et de vous faire des câlins, dit Ghan, on pourrait peut-être partir d’ici ?

Lhor rit.

— Tu ne peux pas t’empêcher de jouer les brutes, n’est-ce pas ?

Ghan lui lança un regard dédaigneux.

— Et toi, tu ne peux pas t’empêcher de te faire battre par de minuscules petites filles.

Quoi ?

— Je ne me suis pas fait battre par une fille.

— Vraiment ? Vous avez tous deux reçus une raclée, dit Ghan en regardant Lhor et Zhul, mais les filles ont assommé trois Guldanais. Vous êtes nuls.

Un jeune reporter maigrichon se leva de sa chaise.

— Comment savons-nous que vous allez suivre les procédures xélixiennes quand vous ne portez même pas un voile en public, comme l’exige la loi ?

Un silence mortel descendit sur la salle de presse. Les autres reporters étaient tellement immobiles en attendant la réaction de Ghan qu’ils semblaient figés dans le temps. En dépit de son air impassible, je n’avais pas besoin de mon pouvoir pour savoir que Ghan mourait d’envie de défoncer le crâne du reporter novice. Ayant compris sa bourde, le jeune homme déglutit avec difficulté.

— Premièrement, dit Ghan d’une voix dangereusement calme, ce n’est pas la loi, mais simplement une courtoisie que les Infectés accordent au reste d’entre vous pour épargner vos sensibilités égoïstes.

— Bien envoyé, Ghan ! murmura Amalia.

Lhor rit et Zhul hoqueta. J’étais trop estomaquée pour émettre le moindre son et me contentai de regarder, bouche bée.

— Deuxièmement, si ça vous offense à ce point, continua Ghan, pourquoi ne venez-vous pas m’en mettre un ?

La vue changea pour afficher la flotte, encadrée par les deux soleils. Parmi elle se trouvait trois destroyers. Ces énormes vaisseaux de guerre possédaient une incroyable puissance de tirs. Avec leur technologie de pointe, les Tuuréens étaient presque invincibles contre la majorité des types d’attaques. Un seul de ces vaisseaux avait décimé toute une armada guldanaise.

Vous ne voyez là qu’une fraction de notre flotte. La majorité des autres vaisseaux sont occultés. Priez qu’ils le demeurent.

La vue revint sur l’Amiral et ses officiers.

— Dans la prochaine heure, nos vaisseaux vont entrer dans votre atmosphère et passer votre planète au peigne fin jusqu’à ce que les Praghan soient retrouvés. Si nous devons examiner votre propriété, vous avez intérêt à coopérer ou vous subirez notre foudre. Toute interférence sera considérée comme un acte de guerre. Le leader tuuréen s’avança de trois pas. La surface noire de son casque luisait alors que sa tête sans visage remplit l’écran.

— Si le moindre mal arrive à Amalia, son fils ou son conjoint, nous détruirons vos villes et anéantirons votre planète. Aucun vaisseau ne peut entrer ou quitter Xélix Prime sans être scanné par nous. Essayez de nous éviter et vous serez abattus. Puisse la Déesse avoir pitié de vous car vous n’en recevrez aucune de nous.

Il nous avait fallu près de six mois pour trouver cette Maison de sang après celle de Xélhin. Pendant d’innombrables semaines, l’équipe de Khel avait analysé les patrons de vol et le trafic aérien au-dessus de la moindre parcelle du District de Xélhen où la dernière Maison de sang avait été attaquée ce matin. Ils avaient enquêté sur tout bâtiment isolé qui recevait un trafic moyen à élevé. C’était comme tenter de trouver un grain de sel dans un bol de sucre.

— Il n’en reste pas moins que ça a été un échec total et ça lui a fourni des prisonniers qui ont parlé, dit la mère de Varrek. C’est pour cette raison que nous avons perdu Crébios. Si tu n’avais pas fait cette bêtise…

— Attention, femme, dit Varrek de cette voix douce et calme qui me glaçait le sang. N’oublie pas ta place. Ton conjoint tolère peut-être ta langue, mais je suis guldanais.

— Tu es à moitié xélixien, mon fils, rétorqua-t-elle d’un ton cinglant.

— Un inconvénient que je m’efforce d’oublier.

Valéna tentait de cacher sa fureur, mais échouait lamentablement. La raideur de ses mouvements, sa voix tranchante et la ligne dure de sa mâchoire exprimaient clairement ce qu’elle ressentait. Je ne comprenais que trop bien. Comme elle, j’avais espéré qu’aujourd’hui serait une journée de réjouissance. À la place, quelqu’un avait de nouveau averti V d’un raid imminent. Père et Lélah se promenaient avec Pyrhin et Tharin. Je pensais amener Valéna se balader également pour l’aider à se détendre, mais aucun de nous deux ne voulait s’éloigner de la maison. Nous attendions avec impatience de recevoir des nouvelles du raid. — J’ai su que quelqu’un avait averti Varrek au moment où Sheb est entré dans la pièce, dit Valéna en brossant les écailles de Zhénax avec plus de vigueur que nécessaire. Nous avons toujours ignoré les exercices de feu au Centre des Congrès. Pourtant, dès qu’il a commencé, V a ordonné à Sheb de me ramener ici. — Tu n’as pas croisé de soldats en sortant ? — Non, dit-elle avec rage. Nous n’avons pas pris notre route habituelle. Sheb m’a menée à travers un passage secret que je n’avais jamais vu auparavant. Nous avons marché un certain temps avant d’atteindre une petite navette privée. Elle brossa le cavas encore plus fort. Zhénax s’ébroua et grogna légèrement. Trop perdue dans ses pensées, Valéna ne remarqua pas qu’elle l’irritait. J’arrêtai de brosser le poil court de son dos et plaçai une main sur la sienne. Surprise, elle me regarda. — Doucement, ma chérie. Il n’a rien fait de mal. Ses yeux s’agrandirent et elle se tourna vers le cavas, l’air coupable. — Je suis désolée, dit-elle en lui caressant le cou. Je ne voulais pas te faire de mal. Zhénax tourna la tête vers elle et frotta son museau contre sa joue pour lui faire savoir qu’il lui pardonnait. Elle embrassa sa joue et recommença à le brosser d’une main plus douce. — Par contre, quelque chose clochait, poursuivit-elle. Quand nous sommes partis, les autres gardes ont dit aux clients de sortir avant de partir également. S’ils avaient été avertis, pourquoi ne pas prendre les femmes avec eux ? C’était effectivement étrange et inquiétant. V n’était pas du genre à gaspiller. Il ne se débarrasserait pas des femmes de cette manière, surtout sachant que des tests d’ADN aideraient à identifier les clients, resserrant ainsi le filet autour de lui. Nous avions presque terminé le toilettage de Zhénax quand mon com sonna enfin avec une alerte de nouvelles. Abandonnant le cavas devant la maison, Valéna et moi nous précipitâmes dans la salle de séjour. J’allumai l’écran et mes genoux faillirent flancher face au spectacle qu’il afficha. — Ce jour horrible sera à jamais marqué par l’infamie. Pour ceux qui nous rejoignent à l’instant, je suis Nikha Drubhen, reportant en direct du Centre des Congrès du District Capitale. Derrière la journaliste, des gens pleuraient et criaient. Un groupe de premiers intervenants portant des vêtements de protection se précipitaient à l’intérieur du bâtiment pendant que la police et l’armée s’efforçaient de contrôler la foule. — Il y a une heure de cela, dit Nikha, nous avons été informés qu’un raid sur la dernière Maison de sang prendrait place sous peu. Nous venons tout juste d’être autorisés à diffuser. Les images que vous vous apprêtez à voir sont troublantes et s’adressent à un public averti. La vidéo montrait Amalia et Lhor accourant vers le Centre. Amalia hurlait dans son com avant de se battre contre des officiers de police. Puis une explosion et Lhor hurlant avant de s’écrouler.