Extraits

— C’est le comble ! soupire-t-elle. Je suis coincée avec un « bipède » qui refuse d’exploiter ses capacités physiques !

William redresse la tête et déglutit difficilement son yaourt à la vanille. Il assombrit son regard et pointe sa petite cuillère en direction de Leïla.

— J’ai rêvé ou tu viens de nous insulter moi et mes congénères ?

Il penche un peu plus son torse sur le comptoir de la cuisine.

— C’est très offensant pour des rugbymans de se faire traiter de « bipèdes ». Retire immédiatement ce que tu as dit ! insiste-il.

Une nouvelle fois, Leïla sent un fou rire se former dans sa poitrine.

— Sinon quoi ? Tu vas me trucider avec ta petite cuillère ?

— Ne néglige pas les capacités mortelles de cet objet !

La blogueuse ne retient plus son rire. William se redresse et enfourne une cuillerée de son yaourt dans la bouche sans la quitter de son regard noir.

— Je m’excuse auprès de tous les disciples du rugby ! prononce-t-elle entre deux rires.

— J’aime mieux ça, grommelle-t-il.

[...] C’est en repartant vers son appartement qu’il prend conscience des conséquences sous-jacentes de la crise sanitaire. Dès le départ, il a pris au sérieux la gravité du coronavirus dans le monde, jusqu’à être réactif dans l’adaptabilité des conditions de sécurité pour ses salariés. Mais aujourd’hui, il en réalise les répercussions sur l’Économie et, en particulier, sur le sacrifice des droits citoyens qu’il pensait jusqu’alors inviolables dans son pays. Pour bénéficier d’une simple balade avec sa chienne, il doit la motiver en fournissant un document officiel et une pièce d’identité. Sinon, il a l’obligation de rester enfermé à son domicile sous peine de sanction. La situation lui paraît surréaliste !

- La Liberté est précieuse ! se rappelle-t-il en détachant Maya pour les derniers mètres qui leur restent à parcourir. [...]

- Sachez que ce document est obligatoire lors de toute sortie! poursuit l'agente. Au regard des circonstances, vous n'avez pas la possibilité de voyager. Où allez vous avec ces valises?

-A Lyon! J'ai un train dans vingt minutes, répond-elle. Excusez-moi, mais je ne saisis toujours pas! Quand vous dites circonstances, vous parlez du coronavirus?

- Oui! intervient l'homme. Et des dispositions établies par le gouvernement depuis hier soir!

Devant la mine interloquée de Leïla, les policiers posent leurs quatres yeux désespérés sur elle.

- Vous n'êtes pas sans savoir, Madame, que la France est en confinement officiel depuis hier soir?

- Hein?

« - WILLIAM ? crie-t-elle sans l’apercevoir. TU AS OUBLIÉ TON ATTESTATION !

- ON EST PASSÉ AU NUMÉRIQUE DEPUIS CE MATIN ! hurle-t-il.

Sa voix grave s’élève dans la cage d’escalier et résonne en écho.

Au moins, si les résidents de l’immeuble n’étaient pas informés, ils le sont à présent ! »