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Louis, verre en main, montra le coin opposé « le la salle. Des jeunes gens y étaient rassemblés, ions superbement beaux. Spencers blancs, peaux hâlées, cheveux bien coupés, robes de couturiers. Dans leurs minaudières ou leurs poches, songea Sam, se trouvaient des étuis à cigarettes en or et les clés de rutilantes voitures de sport. Dans ce coin la fumée des cigarettes américaines montait vers le plafond. Et, par instants, il apercevait Julie Vandermasten, plus éblouissante que jamais.
Afficher en entierMais il ne le commença pas ce soir-là car il se souvint, juste à temps, de la réception dont il devait faire le compte rendu.
D’humeur mélancolique il engloutit des saucisses de conserve arrosées de café réchauffé. Il se lava, se rasa avec soin, se contempla d’un œil critique devant un miroir et, à huit heures moins dix, ferma derrière lui la porte de sa mansarde.
Il arriva un peu tard au palais de justice, ce qui lui valut un regard hostile de la part d’un fonctionnaire chamarré. A l’intérieur, tout étincelait. Joyaux vrais ou faux mais surtout vrais, cigares, décorations, ventres. Sam n’était jamais très à l’aise en de telles circonstances. Avec un soupir soulagé il aperçut dans un coin, au milieu d’un groupe de journalistes sobrement vêtus, son ami Louis, de la Tribune du Peuple. Il se rua vers lui, renversa un guéridon et eut un rire gêné.
Afficher en entierIl la vit ce soir-là et s’en éprit immédiatement.
Elle s’appelait Julie. Son père était ministre de la Justice. A l’âge de Sam il est facile de tomber amoureux, et cela lui était déjà arrivé plusieurs fois. Cette fois, c’était différent. Plus… intense. Il le sentait.
Mais elle était inaccessible. Son père, le ministre Vandermasten, était célèbre pour son mauvais caractère et son immense fortune. De telles gens n’ont rien à voir avec un écrivaillon sans le sou…
Sam réfléchit plusieurs jours sans trouver de solution puis finit par faire ce par quoi il aurait dû commencer. Il écrivit une lettre aux « Cœurs Brisés de Tante Léa », colonne paraissant dans La Rosée Dominicale, hebdomadaire familial qui publiait aussi les programmes TV.
Afficher en entier– La science-fiction élargit l’esprit. C’est une bonne chose, ça. Mais quelques gros bonnets de l’Education nationale ont conclu qu’elle l’élargit un peu trop. Je viens de lire tout un rapport là-dessus ; il est même assez cohérent. Le directeur d’un asile, par exemple, a un malade qui se figure être Napoléon. C’est très courant, me diras-tu. Très juste. Mais le directeur affirme que le malade a raison et qu’il est effectivement Napoléon. Le directeur lit trop de science-fiction… Tu vois où je veux en venir ?
Afficher en entierDepuis, il s’était bien défendu. Il avait écrit trois best-sellers ; plusieurs critiques l’idolâtraient, et il passait pour un des meilleurs auteurs néerlandais du genre.
Pour l’instant, assis en position yoga bouton d’or sur les rails du tramway du Canal Rose, Sam méditait sur le mot om. Il méditait avant tout événement important de son existence ; et un événement important était imminent. Il se rendait chez son éditeur avec son quatrième livre.
Très proprement dactylographié, selon son habitude, le manuscrit du quatrième livre, posé sur le sol non loin de Sam, avait attiré l’attention d’un agent de police.
Afficher en entierSam griffait désespérément les bords friables de l’abîme. Terrifié, il sentit la crampe gagner, lentement mais sûrement, l’extrémité de ses doigts.
Il tomba.
Et…
Pour être tout à fait franc, Sam n’était nullement suspendu au-dessus d’un abîme, et il n’avait pas la moindre crampe au bout des doigts. A des lieues à la ronde, pas trace d’un abîme dont on pourrait désespérément griffer les bords. Mais un éditeur rencontré récemment m’a confié qu’en jugeant un manuscrit il ne se fiait qu’à la première phrase. Il doit donc être sur des charbons ardents !
D’ailleurs, je ne suis pas très sûr de ce qui va arriver à Sam. Il s’agit ici d’une chronique, et il n’est donc pas exclu qu’au chapitre XXXVI, par exemple, Sam soit bel et bien en train de griffer désespérément le bord effrité d’un abîme.
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