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Il doit n’y avoir qu’une seule flaque de boue dans tout le pré, et ce cheval a choisi de se rouler dedans. Et qui doit l’amener près de l’acteur principal ?
Bibi !
Hors de question que je m’approche plus près de ce monstre ! En plus, il est tout crade, maintenant ! Dans ma tête, lorsqu’Alan m’a dit « amenez le cheval à Calum », j’ai tout de suite transformé en « demandez à Alistair d’amener le cheval ». Quoi ? C’est presque ça, non ? Donc, il faut que je trouve un plan. Et vite ! Parce que le tournage va bientôt commencer, et j’ai déjà refilé Chouchou à Stuart, il ne va pas me louper. C’est sa spécialité. Enfin, ça et sa mauvaise humeur.
Je me précipite vers Alistair, pour lui donner les indications, quand mon oreillette grésille.
– On en est où, avec les chevaux ? s’impatiente Alan.
– On est presque prêts, dis-je alors qu’ils doivent voir que ce n’est pas du tout le cas.
– Il fait quoi, celui qui se roule par terre ? intervient Stuart.
Et merde…
– On gère ! m’écriai-je.
– Et nous on attend, rétorque Alan, impatient.
– Tout de suite !
Je fonce vers Alistair, paniquée, qui ne relève même pas la tête à mon arrivée, concentré à planter un piquet.
– Il faut qu’on se dépêche, lui dis-je discrètement pour que les figurants présents n’entendent pas. Accrochez le cheval ici, il en faut aussi un autre. Le troisième ira là-bas, lui montré-je. Et encore deux-là. Et le dernier, celui qui doit être avec Calum est en train de se rouler dans la boue. On fait quoi ?
Alistair finit de planter tranquillement le morceau de bois, enroule la corde, vérifie qu’elle tient bien, pendant que je trépigne d’impatience.
– Oh, vous êtes sourd, ou quoi ? On doit se dépêcher !
– Va chercher le deuxième cheval, ça ira plus vite, dit-il comme si je n’étais pas prête à exploser sous la pression.
– Mais… Non ! C’est votre travail, pas le mien ! Merde, je vais me faire jeter, allez, on active, s’il vous plaît !
Je ne sais pas si cet arrogant perçoit la détresse dans ma voix, ma peur – des chevaux et de perdre ma place sur ce tournage – mais il accélère ses gestes. Enfin ! Mais même s’il est plus rapide, la force tranquille qu’il dégage est toujours aussi présente. Et ses biceps se tendent à chaque mouvement.
Je souffle, énervée de m’arrêter à ces détails, énervée de devoir être si stressée, énervée d’être énervée. Je lui pique son marteau, vais chercher un piquet, le plante près d’un couple qui discute, non sans manquer de me taper sur les doigts plusieurs fois. Je vérifie qu’Alistair arrive bien avec les chevaux, vais planter le dernier morceau de bois dans la terre, puis retourne vers le dernier cheval qui s’est relevé, fier de lui, alors que sa robe alezane est maculée de boue. Désemparée, je reste figée devant ce spectacle, sans savoir quoi faire. Et puis un picotement envahit ma nuque, faisant dresser le moindre petit poil qui recouvre ma peau. Je me retourne, Alistair est juste derrière moi et contemple avec un petit sourire les frasques de son cheval.
– Ce n’est pas drôle, soufflé-je, exaspérée. On fait quoi ?
– Le mieux serait une bonne douche. Mais je vais opter pour le remplacement. Il reste un cheval dans l’enclos, il a la même couleur, ça devrait aller.
– Super, allez go ! l’encouragé-je à s’activer.
Je préviens Alan qu’on sera prêts dans deux minutes. Le temps de seller l’autre cheval.
– C’est bon, on fait la première scène sans. On a assez attendu comme ça ! m’informe le réalisateur.
– Amy, il faudrait être un peu plus réactive, à l’avenir, assène Stuart d’un ton sans appel. Nous ne sommes pas dans une colonie de vacances !
Afficher en entier– Bon, Monsieur McKay, vous êtes attendu. Prenez votre… canasson et allez sur le tournage, s’il vous plaît ! ordonné-je d’un ton qui signifie que son humour douteux a assez duré. L’ordre des scènes a changé, vous devez faire la doublure de Calum Fraser maintenant.
Toujours l’oreillette dans une main, je m’apprête à tourner les talons quand une poigne ferme me retient. Le souffle d’Alistair, l’homme-le-moins-drôle-du-monde, effleure ma joue, des frissons me parcourent à nouveau et une espèce d’électricité se répand dans mes veines.
– J’ai bien entendu « canasson » ? chuchote-t-il près de mon oreille, en épelant chaque syllabe, la chaleur de sa paume inondant la moindre parcelle de ma peau.
Je soupire, ferme les yeux une microseconde afin de reprendre mes esprits et de virer le trouble auquel ce prétentieux me soumet.
– C’est exactement ce que j’ai dit, oui, affirmé-je, fière de ma repartie.
– Retirez !
– Non, dis-je calmement.
– Si, répond-il sur le même ton, sûr de lui.
Je me dégage de son emprise, affiche à mon tour un sourire arrogant.
– Monsieur McKay, vous êtes attendu sur le tournage. Immédiatement.
– Avec le Clydesdale que j’ai dressé et qui s’impatiente à côté de vous.
Oh, ça, je le sais bien, oui. Il n’arrête pas de souffler bruyamment depuis tout à l’heure ! Comme si on pouvait oublier sa présence…
– Avec le gros truc tout noir qui a failli me provoquer une crise cardiaque à cause de votre humour débile !
Alistair plisse les yeux, prend le temps de me détailler, de mes Dr Martens bordeaux à mes cheveux teints en bleu lagon (tirant sur l’argenté, qui a un rendu magnifique) en passant par mon top liberty.
– Vous ne regardiez pas vraiment où vous alliez, lâche-t-il en plantant son regard ébène dans le mien, comme s’il voulait s’immiscer dans mes pensées.
– Vous auriez pu aisément m’éviter. Vous l’avez fait exprès, rétorqué-je sans me démonter.
C’est vrai, je ne regardais pas où j’allais.
Mais quand même…
– Pas faux, avoue-t-il en haussant les épaules. Mais c’était tellement drôle. Ça et… repart-il dans un éclat de rire.
– Vous vous répétez.
– Parfaitement. Et je le répéterai jusqu’à ce que vous l’admettiez.
– Vous pouvez toujours rêver ! m’écriai-je tout en faisant un pas pour retourner auprès de l’équipe de tournage et en remettant mon oreillette à sa place.
– Amyyyy ! entends-je à nouveau. Les moutons ont envahi le tournage !
Et merde…
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