Extraits

Il dévisagea l’homme une nouvelle fois, et sa gorge s’assécha, prémisses, chez lui, d’un désir sur le point de l’envahir. Il sentit l’ébauche d’une érection à l’intérieur de son caleçon ample, et songea que le T-shirt blanc qu’il portait ne suffirait pas à la camoufler : il lui arrivait à peine au premier bouton ! Il se concentra, afin de retenir l’afflux de sang qui faisait incontestablement défaut à son cerveau en cet instant de frayeur épouvantable, et amorça une série de respirations dites « méditatives », afin de retrouver son calme, son corps et son cœur emballés à la vue du bel inconnu. Un siècle qu’il n’avait vu un tel spécimen !

Une bombe anatomique !

– C’est un malentendu, Aaron. Je ne suis pas celui que tu crois, reprit le dénommé Ryan en passant une main dans ses cheveux châtains en bataille.

– Je ne vous connais pas et vous êtes là, à moitié nu dans ma chambre, alors je ne vois pas quel malentendu il peut y avoir ! À moins que je ne sois rentré ivre mort hier soir. Mais ce n’est pas mon genre, décréta Aaron avec toute l’assurance de celui qui venait de marquer incontestablement un point.

L’homme sourit timidement et s’éclaircit la voix.

– Peut-être est-ce lié au fait que je sois ton petit copain et que ton récent choc à la tête m’ait fait disparaître de ta mémoire, déclara-t-il tranquillement

Ils s’arrêtèrent devant le grand sapin de la place principale du centre. Tous les ans, ils clôturaient leur pèlerinage par un arrêt devant le colossal arbre de Noël. Les boules de cristal de toutes les couleurs qui le décoraient reflétaient les lumières des multiples guirlandes entremêlées à ses branches. Une douce odeur de bois flottait dans l’air et les haut-parleurs diffusaient les chants d’une chorale d’enfants. La neige artificielle qui tapissait le sol, à cet endroit, offrait aux bambins un avant-goût du pôle Nord où, dans sa cabane, le Père Noël et ses lutins fabriquaient avec amour leurs jouets.

Le centre commercial n’avait pas lésiné sur les moyens pour rendre ce jour tout à fait magique et somptueux. Et la présence d’un oiseau blanc, sans doute égaré et voltigeant dans les branches, apportait une touche de réalisme au tableau.

– On dirait le vrai Père Noël, fit remarquer Aaron en désignant à Jamie le comédien embauché pour l’occasion, tout vêtu de rouge et muni d’une longue barbe blanche.

L’homme, à la physionomie replète, tenait un enfant sur ses genoux, tandis que la mère du garçonnet immortalisait cet instant, appareil photo en main.

– Tu dis ça comme si t’avais déjà rencontré le vrai !

– Arrête, t’as très bien compris ce que je voulais dire.

– Tu veux qu’on fasse la queue ? proposa Jamie en regardant la file d’attente. Ça fait des siècles que t’en as pas vu une vraie… Tu ne dois plus savoir le goût qu’ont les sucres d’orge…

Le regard plein de réprobation d’Aaron se heurta au sourire goguenard de Jamie.

– Bien sûr et je lui dirais : « Père Noël, personne ne m’aime, je veux un petit ami qui ne me trompe pas, qui m’aime et que j’aime. Je veux qu’on soit heureux… »

– Dans ton cas, même le Père Noël n’y pourrait rien. Tu ne regardes personne ; tu ne fais que te complaire dans ton petit monde de « je veux rester seul, car les garçons ça craint, c’est tous des connards qui ne songent qu’à me tromper ». Commence par changer d’état d’esprit avant de vouloir changer de vie.

– OK. Alors, d’abord je lui demande LE fiancé idéal, ensuite je le supplie de me débarrasser de toi, répliqua Aaron avec un regard noir.

« – Tu es enfin arrivé, dit-elle en le regardant, sa voix trahissant son impatience.

– Ça sent drôlement bon !

– C’est la dinde qui cuit, répondit-elle, manifestement ravie de ce compliment.

– Quoi ! Tu as osé mettre ta fille dans le four ? s’indigna-t-il alors, arrachant à sa sœur un regard des plus meurtriers.»