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Elle commence la leçon sans préambule :
" L'art de la littérature consiste à trouver le mot juste pour susciter des émotions devant la beauté du langage. La langue doit être aussi mélodieuse que les notes sur lesquelles tu danses, et elle ravira ton esprit aussi bien que ton coeur. C'est l'art qui permet de manipuler le plus facilement le puissant pouvoir de l'imagination, mais aussi de la raison. "
Afficher en entierJe me serre un peu plus contre le tronc, pose mes lèvres contre l'écorce, et son énergie se déverse en moi. L'espace d'un instant, j'oublie mes soucis dans l'euphorie de la liberté. Il ne m'a pas désertée! J'éclate de rire, sensible à la vie qui fourmille tout autour de moi, aux insectes se frayant un chemin dans les rainures du bois, à la coccinelle posée sur une feuille verte. Le parfum âcre de la terre s'infiltre dans mes poumons, m'apporte le salut des moucherons qui volètent frénétiquement près de l'étang.
Afficher en entierLes rires légers des autres Filles me rassurent au moins sur un point : elles ne sont pas encore au courant. Il est étrange que la nouvelle ne se soit pas répandue. Les Mères ont-elles donné des consignes ? Les danseuses n'ont pas dévoilé mon secret, me préservant pour quelques instants de la honte qui s'abattra sur moi quand la traîtrise de Myriam sera rendue publique. Une bouffée de haine me monte à la gorge quand je pense à celle que je croyais être mon amie. Je ne dois faire confiance à personne d'autre qu'aux Mères. Elles seules savent ce qui est bon pour moi. Et si cela implique ma disparition, j'accepterai mon sort.
« T'es malade ? Tu es toute pâle ! Viens t'asseoir au lieu de rester plantée là, ton poulet va être froid. »
Je m'accroche à la joie qui rayonne autour d'Aylin pour me distraire de mes sombres pensées. Je veux profiter de sa présence autant que possible. Je m'assieds à côté d'elle et me force à sourire sans entendre ce qu'elle me raconte. Je me contente de quelques hochements de tête, alors qu'elle m'explique le nouveau projet loufoque qui l'excite tant. Elle a dû l'inventer pendant son cours de peinture. Dans quelques semaines, elle aura déjà une autre idée géniale. Mais elle ne pourra plus la partager avec moi.
« ... m'écoutes ? Sibel. qu'est-ce que tu as ? Ça fait trois fois que je te pose la même question ! »
Mes lèvres restent closes. Je suis incapable de mentir à Aylin, mais je ne peux me résoudre à lui parler tout de suite. C'est la seule à ne m'avoir jamais jugée.
« Tu as raté, c'est ça ? Tu es... tu es tombée ? C'est pas possible, tu es la meilleure pour ça, tu aurais dû réussir, comme toutes les autres fois ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu n'avais pas assez mangé ce matin ? Tu sais que Mère Bahar ne tolère pas les écarts. Je dois avouer que pour ma part, j'ai failli reprendre en douce de ce gâteau au chocolat...
— Aylin ! Comment peux-tu penser une chose pareille ? Mère Bahar sait ce qui est bon pour nous.
— Oui, euh... ne détourne pas la conversation ! Pourquoi es-tu tombée ? »
Sa mimique boudeuse et ses yeux pétillants me serrent le cœur. Si je disparais, elle sera mon seul regret. Un bref instant, je revois son premier sourire, le jour où l'on s'est rencontrées. Son hochement de tête entendu chaque fois que nous nous croisions entre les cours. Ses regards en biais lorsqu'elle s'adressait à une Mère pour me parler indirectement.
Afficher en entierC'est Aslan qui me réveille, une pile de linge à la main, son éternel sourire moqueur sur les lèvres :
"Ca t'arrive souvent de faire des câlins aux murs ? Si tu as tant besoin d'affection, il suffit de me le dire, tu sais, je suis tout disposé à t'en donner !"
Je lui tire la langue et dédaigne la main qu'il me tend pour me relever seule. Aslan mime mon exaspération d'un air moqueur :
"Oh là là, ce qu'il m'énerve, cet imbécile !
- Tu m'ôtes les mots de la bouche."
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