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Extrait

Extrait ajouté par Spika 2018-12-27T14:52:01+01:00

Molière, en son temps, se moquait des précieuses ridicules, mais nos précieux ont interdit le rire. Du moins, s'il ne s'attaque pas aux représentants du Mal qui, eux, méritent d'être moqués. Par exemple, les "dominants", les "mâles blancs hétérosexuels", les "fascistes", cette dernière catégorie finissant par recouper les précédentes. Or, le rire n'a de pouvoir subversif que s'il s'exerce contre l'intouchable, le sacré. Le bouffon n'a de fonction que de moquer le roi, parce qu'il est le seul autorisé à le faire. En société démocratique, ce droit est offert à chaque citoyen. Tout du moins, il devrait l'être, car désormais, la susceptibilité de chacun veut s'imposer à tous, en instaurant un délit de blasphème généralisé. Les dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo l'ont expérimenté dans leur chair. Ils ont payé de leur vie le fait d'être les seuls à affirmer, envers et contre tous, le droit de rire du sacré. Le fait que le rire ne vaut que s'il porte sur le sacré. Et le fait que le véritable respect envers les musulmans consiste à les traiter comme tous les autres citoyens et à les supposer capables de rire.

Mais les précieuses ridicules et les tartuffes ont envahi l'espace public. Ils ont expliqué aux journalistes martyrs de Charlie Hebdo qu'il ne fallait pas "jeter de l'huile sur le feu". Ils s'indignent d'ailleurs à chaque une, sur quelque sujet que ce soit, d'un journal qu'ils n'ouvraient pas avant qu'il ne paie le prix de sa liberté. Ils guettent les "dérapages" des uns et des autres. Ils redressent les âmes à coups de pétitions en ligne, de cabales sur les réseaux sociaux et de tribunes indignées dans les journaux autorisés. Le lien entre les croisés de l'antiracisme, les militants de "MeToo" et les obsédés de l'antialcoolisme répressif n'est pas seulement dans la virulence de leurs attaques contre quiconque enfreint le dogme. Ou même quiconque a le mauvais goût de prendre le sujet un peu trop à la légère. Ce qui réunit ces mouvements est leur caractère, non pas politique, mais religieux. Les militants de ces différents mouvements luttent pour le Bien. Ils ne proposent pas, à travers une argumentation étayée, une organisation différente de la société selon des valeurs qui leur semblent préférables à celles mises en avant, ce qui est la définition même du débat démocratique. Ils éradiquent le Mal. L’autre, celui qui n’adhère pas, ne saurait être racheté. C’est un salaud. Et l’on ne traite pas avec les salauds. On ne trouve pas de compromis avec les salauds.

Cette vision binaire du monde est tellement rassurante. Tellement confortable. Quand le monde se partage entre le noir et le blanc, entre les boureaux et les victimes, la pensée se transforme en réflexe. En France, où les bigots catholiques ont été combattus et moqués violemment, où nul ne songerait à leur concéder de nouveau le droit de régir les vies, les nouveaux bigots pullulent. Ce sont ces bigots musulmans qui peuvent, au nom de la « pudeur », voiler les femmes et les petites filles sans qu’on y puisse rien redire, sous peine d’être accusé d’islamophobie. Ce sont ces bigots hystéroféministes qui ont confisqué la conquête des droits, au profit d’une criminalisation des hommes, et qui censurent le rire comme le ferait un clergé. Ce sont enfin ces bigots de l’antiracisme, montant au créneau quand une marque de prêt-à-porter présenter une collection d’inspiration africaine, avec un mannequin femme blanche qui, pour aggraver son cas, porte des nattes. (1)

Il se trouve pourtant que ce qui fait l’Homme n’est jamais dans le noir et le blanc. L’Homme est dans la zone grise. Celle où l’individu est parfois étranger à lui-même, jamais tout à fait conforme à ce qu’il croit être. Le rôle du politique est de permettre la concorde civile, en acceptant cette complexité du gris qu’on ne saurait éradiquer, mais que la justice rencontre dans chaque procès. Face à elle, les militantes de l’hystéroféminisme rêvent d’imposer leur monde en noir et blanc, dans lequel chacun serait parfaitement transparent à lui-même, sûr de ses désirs. Pour des êtres de fiction, comme les conçoivent ces militantes, il est parfaitement légitime de signer, avant une relation, un contrat sur les gestes qui seront acceptés, puisque chacun sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Le désir est cadré.

Le mot est lâché : désir. Ce qui est inacceptable, ce qui constitue l’objet du scandale, c’est ce désir qu’on ne saurait contrôler, qu’on ne saurait faire entrer dans les cases rassurantes d’un tableau féministe, où le consentement de l’un correspondrait aux demandes de l’autre, où le consentement d’un jour correspondrait à celui du lendemain. (2) Ce désir, cette part d’ombre, cette impossible conformité à soi-même, c’est tout l’objet de la littérature. C’est bien la raison pour laquelle ces mouvements n’ont de cesse de vouloir réécrire ou expurger les œuvres. Le tort des œuvres d’art est de parler de l’Homme tel qu’il est et non de l’Homme tel qu’il devrait être.

C’est le propre du religieux que de vouloir réformer l’Homme, extirper le Mal qui se niche au fond de son âme. Dans l’ordre du politique, on essaie de tendre vers un progrès, mais on fait quoi qu’il en coûte avec l’être humain, ses turpitudes, ses faiblesses et ses noirceurs. On compose pour bâtir une société vivable, une société où chaque homme puisse espérer atteindre, non pas le bonheur, mais son bonheur, ou du moins une petite part de son bonheur. Mais nos militants du Bien, nos nouveaux inquisiteurs, traquant dans chaque phrase, entre chaque ligne, la pensée coupable, ne supportent pas l’Homme tel qu’il est. Ils ne supportent pas cet être de chair, produit d’une civilisation et d’un passé, qu’il ne s’agit pas de révérer, mais dont on ne saurait couper brutalement les racines, même pour la meilleure des causes.

Comme tous les bigots, ces combattants des justes causes ont un problème avec le plaisir, comme si le plaisir était volé à la morale. Comme si le plaisir empêchait cette mortification qui permet d’identifier le Bien. Se régaler, déguster, marivauder, rire de bon cœur… plaisirs coupables de dominants, au mieux inconscient de l’oppression qu’ils imposent. C’est bien pourquoi la méthode pour combattre un mal est toujours d’ordre punitif. Il ne s’agit pas tant de lutter contre ce mal que de lutter contre la nature humaine si prompte à basculer.

Jamais il n’est fait appel à l’intelligence humaine, à l’élévation par le savoir, qui pemettent à chacun de choisir en conscience. On est aux antipodes de cette philosophie humaniste héritée de la Renaissance, qui veut que le savoir émancipe et nous rende plus humains. On est aux antipodes des Lumières et de cette idée que l’Homme libéré de l’obscurantisme saura trancher dans le sens du bien commun. Bref, on est aux antipodes de ce qui fonde notre démocratie. Et les combats les plus légitimes, les plus essentiels, comme le féminisme, l’antiracisme, le refuse de la souffrance animale, la lutte contre les violences faites aux enfants… deviennent l’objet d’une confiscation par des groupuscules sectaires. Ils en tordent le message pour imposer leur vision minoristariste et antiuniversaliste des rapports sociaux.

Le plus étonnant est sans doute la rapidité avec laquelle ces groupes ont conquis l’espace public et assuré leur hégémonie. Aujourd’hui, il n’est plus de militantisme que selon leurs critères et leurs méthodes. Plus de mouvement social sans ses réunions « en non-mixité ». Plus de tract sans son exercice d’écriture inclusive, jusqu’au ridicule. On citera avec délectation le tweet de Clémentine Autain du 29 mai 2018 : « Nous refusons que les droits de nos enfants, étudiant.e.s, élèves, soient à ce point bafoué.e.s [sic]. » Mais cette fulgurance s’explique. La dimension intrinsèquement religieuse de ce mouvement minoritariste détruit les fondements politiques des organisations humaines. Il n’est plus question de délibérer, d’arbitrer, en faisant émerger le bien commun à travers la participation de l’ensemble des citoyens. Il s’agit de régir les sociétés à partir de principes moraux appuyés sur la prééminence de la susceptibilité des individus et leur capacité à imposer cette susceptibilité à chacun, par l’éclatement de toute règle majoritaire. Le fractionnement de la communauté politique la rend beaucoup plus poreuse aux logiques de marché : il ne s’y trouve plus que des individus et des communautés, jaloux de leur identité, et désireux de l’afficher par différents signes de reconnaissance. Donc des consommateurs.

(1) : La marque Pull and Bear a ainsi été épinglée sur Twitter en juin 2018, alors même que certains mannequins présentant le reste de la collection étaient noirs, parce qu’il semblait évident aux inquisiteurs de la Toile que les chemisiers africains devaient être portés par une Noire, sous peine de tomber sous l’accusation d’appropriation culturelle.

(2) : Il faut lire sur ce sujet l’excellent texte publié dans Le Monde le 26 janvier 2018 et signé par la journaliste Blandine Grosjean : « De la résignation au consentement, le problème de la zone grise entourant les rapports sexuels ».

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