Extraits

Pris en sandwich entre pubs pour oignons de tulipes, guano de chauve-souris, poussins, aphrodisiaques et adhésions pour toutes les associations imaginables, depuis l'Empire Invisible jusqu'aux Black Muslims, les sermons de Frère Oswald, ainsi qu'il se faisait appeler, déchiraient les ondes, moments délirants d'éloquence appalachienne haletante.

Il lui arrivait de temps à autre de sombrer pratiquement dans l'hystérie, le souffle court comme s'il souffrait d'emphysème, le cœur au bord des lèvres, avant qu'il n'aspire brutalement une grande bouffée d'air par les narines et ne reprenne un nouveau monologue de quinze minutes, montagnes russes de mots et de phrases qui montaient en crescendo, de rugissements en éructations, à l'intensité implacable, avec un élan tel que les techniciens terminaient son sermon à sa place en y superposant une annonce publicitaire préenregistrée.

Sa peau était lisse et chaude et semblait rayonner de santé et de bien-être sous les paumes de mes mains, mais la réalité était tout autre.

Le lupus, le loup rouge, vivait dans son sang et attendait le plus petit écart dans son traitement pour recommencer à se nourrir de ses organes et de son tissu conjonctif.

Et si le loup ne se retrouvait pas livré à lui-même par un déséquilibre dans les associations de médicaments qui la tenaient, un autre ennemi encore plus insidieux était là, tapi, prêt à l'ouvrage - des psychoses temporaires, pareilles à une excursion vers quelque paysage lunaire d'où l'air était absent et qu'elle seule habitait alors.

Une caractéristique peut-être plus abominable encore de la prison est ce déni absolu de toute identité qui avait pu être la vôtre avant que vous ne pénétriez dans ce morceau de géographie limitée où le temps peut parfois se mesurer en périodes successives de cinq minutes qui semblent droit sorties du Neuvième Cercle de Dante.

Vous y apprenez très vite que la violation personnelle de votre "moi"

est considérée comme un événement aussi insignifiant, aussi ancré dans le cours des choses que les fouilles de routine des orifices du corps, l'aspersion à la bombe anti-parasites de vos parties génitales ou la queue pour la bouffe, lorsqu'un chef de meute dit au serveur de cracher dans votre gamelle de rata jusqu'à ce que vous cessiez d'être à vos propres yeux une exception aux règles du romanesque pénitentiaire.

Les projets de Hippo étaient habituellement aussi grandioses et dramatiques que sa consommation épicurienne de fruits de mer au "Pearl", et lorsqu'on se trouvait impliqué dans son existence un long moment, on ne manquait jamais de prendre conscience au fil des jours qu'après tout on n'était pas tout à fait parvenu à éviter avec succès le rôle de fou du roi dans cette vie.