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Alessandra Di Nardo, l’autre femme de l’équipe, avait l’aspect d’une mince et douce jeune fille, alors qu’elle s’entraînait au polygone de tir deux fois par semaine et faisait mouche à trente mètres. Comment auraient-ils pu la surnommer, sinon Calamity ? « Comme ça, tout le monde saura qu’il faut la craindre », avait commenté Aragona.
Afficher en entierLe matin, les policiers font la tournée des cambriolages, pensait Lojacono en empruntant la ruelle au milieu des commis qui disposaient les marchandises sur les étalages, des vespas sauvages au trajet improbable et des gamins mal réveillés, leur lourd cartable sur le dos. C’est à l’aube que ces méfaits remontent à la surface, portés par la nuit jusqu’aux rives de la conscience, lorsque la victime, à son réveil, découvre qu’elle en est une et se retrouve en plein cauchemar.
Afficher en entierLa conduite d’Aragona était toujours aussi folle mais, contrairement à son habitude, il observait un silence gêné. Il n’aimait pas Francesco Romano, alias Hulk, dont l’étrange sens de l’humour, lorsqu’il répondait aux boutades de son jeune collègue, faisait passer celui-ci pour un crétin aux yeux de tout le monde. Aragona croyait en outre déceler une lueur inquiétante dans le regard de Romano, quand il n’était pas perdu dans le vide avec une expression de vague souffrance. Du reste, ce que savait le jeune homme de lui n’était guère rassurant : un ami policier lui avait raconté que Hulk avait failli tordre le cou d’un suspect goguenard, qui s’était retrouvé à l’hôpital. « Marco, j’étais là, je peux te dire qu’il a fallu trois types pour lui faire lâcher prise. Cinq secondes de plus, et il l’étranglait. » Le récit de son ami paraissait d’autant plus digne de foi que Romano avait en effet l’air d’une brute épaisse : sa brosse très courte, son cou de taureau et sa mâchoire carrée dénotaient une agressivité refoulée toujours prête à exploser.
Afficher en entierLevant les yeux des documents étalés devant lui, le commissaire Luigi Palma tendit l’oreille pour tenter de distinguer ce que disaient les voix qui lui parvenaient par la porte entrebâillée.
Il avait pour règle de ne jamais s’enfermer dans son bureau, pour que ses collaborateurs se sentent libres de venir le trouver à tout moment ; cependant, comme l’une de ses deux portes donnait sur la vaste salle commune, un ancien réfectoire qu’il avait fait réaménager en open space, il craignait que l’un d’eux ne puisse penser qu’il voulait les garder à l’œil. Il aurait ainsi obtenu l’effet inverse de celui qu’il escomptait : au lieu d’un primus inter pares, une sorte de grand frère dont la fonction était de coordonner et certes pas d’ordonner, il serait devenu un persécuteur méfiant qui les épiait.
Afficher en entierRomano grommela d’un air sombre :
— Et si j’arrachais la tienne ? Qui est immonde, soit dit en passant…
— Quoi ? Je te signale qu’elle coûte plus que toutes vos guenilles rassemblées. C’est toi qui es vieux jeu, tu ne piges rien à la mode. Moi, parce que je m’habille décontracté, je n’ai pas l’air d’un policier, alors que vous, vous puez le flic à un kilomètre. À propos de surnoms, si on devait m’en donner un, ça serait nécessairement Serpico, parce que je suis identique, je dis bien identique, à Al Pacino.
— Dans ce cas, je te propose Al Cretino, souffla Romano, ça t’irait très bien. D’ailleurs, si j’étais toi, j’appliquerais la règle suivante : moins on parle, moins on dit de conneries. C’est vrai, tu n’as pas l’air d’un policier. Plutôt d’un acteur de cabaret, et pas des meilleurs.
Aragona le fixa du regard, vexé :
— Rien à faire, tu es vraiment ringard. Tu ne comprends pas que ce métier est en pleine évolution et que les gens comme toi finiront comme les dinosaures : en fossiles d’une espèce éteinte. Tu le sais, au moins, que…
Ce fut à ce moment précis que le téléphone sonna.
Afficher en entierFace à ce dilemme, supporter l’affront qui leur était fait ou réagir, la nouvelle équipe – un ramassis de rebuts en tous genres provenant des quatre coins de la ville – avait choisi de faire de ce surnom collectif un motif de fierté et s’était même mise à l’agrémenter de sobriquets individuels. Parce que « les gens remarquables, ceux qui sortent du lot pour une raison ou pour une autre, ont toujours un surnom », avait déclaré Aragona. Ottavia avait eu envie de rire. Au fond, oui, ça lui plaisait. Et ce Petite Maman fraîchement inventé, malgré la raillerie, ne lui déplaisait pas non plus. Elle avait pensé protester, puis s’était dit que le quolibet n’était pas dénué de fondement : ils accouraient tous chaque fois qu’ils avaient besoin d’elle, comme vers une Petite Maman. Ce qu’elle était, d’ailleurs, puisqu’elle avait un fils de treize ans à la maison.
Afficher en entierOttavia Calabrese dressa la tête au-dessus de son écran d’ordinateur et répliqua :
— Si on n’a pas un macchabée sur les bras à 8 heures du matin, ça ne veut pas dire pour autant qu’on peut se la couler douce, hein, qu’en penses-tu, Aragona ? Et arrête de traiter Pisanelli de Président. Il n’attend que ça !
— Tu dis ça parce que tu es jalouse, Ottavia ! Tu aimerais bien que ce soit toi, la Présidente, pas vrai ? Alors que tu es et resteras toujours notre Petite Maman. Non mais tu l’as bien regardé, Pisanelli ? Elle ne t’a pas frappée, la ressemblance avec notre président de la République ? Qui s’appelle Giorgio, lui aussi. Et ils ont plus ou moins le même âge…
Afficher en entierLe gardien de la paix stagiaire Marco Aragona changea d’expression dès qu’il franchit le seuil de la salle commune.
— J’en étais sûr ! 8 h 29, et vous êtes tous là. Mais vous avez une vie privée ou quoi, je peux savoir ? Pourtant, vous habitez bien quelque part, vous avez une famille, du moins certains d’entre vous. Quelle que soit l’heure à laquelle je débarque, je vous trouve à votre poste : vous m’expliquez comment c’est possible ?
Afficher en entierDodo hurle de terreur, sursaute et recule ; puis, désespéré, il tâte le sol de ses paumes. Poussière, pierres tranchantes, gravier, papiers déchirés. Il finit par retrouver la figurine, la ramasse et la serre contre son visage, contre sa joue sillonnée de larmes soudaines. Dehors, un rugissement retentit, un ordre donné dans une langue qu’il ne connaît pas.
Il se recroqueville dans un coin, le mur érafle son dos sous sa chemise, son cœur bat dans ses oreilles comme s’il voulait s’échapper de son corps.
Batman, Batman, ne t’en fais pas. Mon papa viendra nous chercher.
Parce que lui, c’est mon géant ; et moi, je suis son petit roi.
Afficher en entierAlors que toi, Batman, tu es un homme normal. Mais courageux et intelligent. Les autres volent ? Toi, tu inventes les fusées de la Batceinture, ou bien tu lances des filins sur les toits des immeubles et tu grimpes jusqu’au sommet. Les autres courent très vite ? Toi, tu as la Batmobile, qui est encore plus rapide. Tu es un héros parmi les héros, Batman. Parce que tu as le superpouvoir le plus puissant au monde : le courage. Comme mon papa.
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