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Mais qui n'aime pas prolonger ce moment délicieux qui précède le premier baiser, quand deux êtres qui ressentent l'un pour l'autre quelque inclination amoureuse ont déjà tacitement décidé de s'embrasser, que leurs yeux le savent, leurs sourires le devinent, que leurs lèvres et leurs mains le pressentent mais qu'ils diffèrent encore le moment d'effleurer tendrement leurs bouches pour la première fois ?
Afficher en entierEst-ce la meilleure solution de voyager ensemble, si c'était pour rompre ? Dans une certaine mesure, oui, car autant la proximité nous déchirait, autant l'éloignement nous aurait rapprochés.
Afficher en entierMais qui n'aime prolonger ce moment délicieux qui précède le premier baiser, quand ces deux êtres qui ressentent l'un pour l'autre quelque inclination amoureuse ont déjà tacitement décidé de s'embrasser, que leurs yeux le savent, leurs sourires le devinent, que leurs lèvres et leurs mains le pressentent, mais qu'ils diffèrent encore le moment d'effleurer tendrement leurs bouches pour la première fois ?
Afficher en entierLes heures étaient vides, lentes et lourdes, le temps semblait s’être arrêté, il ne se passait plus rien dans ma vie. Ne plus être avec Marie, c’était comme si, après neuf jours de tempête, le vent était tombé. Chaque instant, avec elle, était exacerbé, affolant, tendu, dramatisé. Je sentais en permanence sa puissance magnétique, son aura, l’électricité de sa présence dans l’air, la saturation de l’espace dans les pièces où elle entrait. Et maintenant plus rien, le calme des après-midi, la fatigue et l’ennui, la succession des heures.
Afficher en entierQu’avais-je à faire ces jours-ci à Tokyo ? Rien. Rompre. Mais rompre, je commençais à m’en rendre compte, c’était plutôt un état qu’une action, un deuil qu’une agonie.
Afficher en entierNous nous étions arrêtés sur un pont, et j’ai regardé le jour se lever devant moi. Le jour se levait, et je songeais que c’en était fini de notre amour, c’était comme si je regardais notre amour se défaire devant moi, se dissiper avec la nuit, au rythme quasiment immobile du temps qui passe quand on en prend la mesure.
Afficher en entierNous nous aimions, mais nous ne nous supportions plus. Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuons à nous faire dans l’ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable.
Afficher en entierLe taxi nous déposa devant l’entrée de l’hôtel. A Paris, sept ans plus tôt, j’avais proposé à Marie d’aller boire un verre quelque part dans un endroit encore ouvert près de la Bastille, rue de Lappe, ou rue de la Roquette, ou rue Amelot, rue du Pas-de-la-Mule, je ne sais plus. Nous avions marché longtemps dans la nuit, avions erré dans le quartier de café en café, de rue en rue pour rejoindre la Seine à l’île Saint-Louis. Nous ne nous étions pas embrassés tout de suite cette nuit-là. Non, pas tout de suite.
Afficher en entierJ’avais fait remplir un flacon d’acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l’idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu’un. Il me suffirait d’ouvrir le flacon, un flacon de verre coloré qui avait contenu auparavant de l’eau oxygénée, de viser les yeux et de m’enfuir. Je me sentais curieusement apaisé depuis que je m’étais procuré ce flacon de liquide ambré et corrosif, qui pimentait mes heures et acérait mes pensées. Mais Marie se demandait, avec une inquiétude peut-être justifiée, si ce n’était pas dans mes yeux à moi, dans mon propre regard, que cet acide finirait. Ou dans sa gueule à elle, dans son visage en pleurs depuis tant de semaines. Non, je ne crois pas, lui disais-je avec un gentil sourire de dénégation. Non, je ne crois pas, Marie, et, de la main, sans la quitter des yeux, je caressais doucement le galbe du flacon dans la poche de ma veste.
Avant même qu’on s’embrasse pour la première fois, Marie s’était mise à pleurer. C’était dans un taxi, il y a sept ans et plus, elle était assise à côté de moi dans la pénombre du taxi, le visage en pleurs, que traversaient les ombres fuyantes des quais de la Seine et les reflets jaunes et blancs des phares des voitures que nous croisions. Nous ne nous étions pas encore embrassés à ce moment-là, je ne lui avais pas encore pris la main, je ne lui avais pas fait la moindre déclaration d’amour — mais ne lui ai-je jamais fait de déclaration d’amour ? — et je la regardais, ému, désemparé, de la voir pleurer ainsi à mes côtés.
La même scène s’est reproduite à Tokyo il y a quelques semaines, mais nous nous séparions alors pour toujours. Nous ne disions rien dans ce taxi qui nous reconduisait au grand hôtel de Shinjuku où nous étions arrivés le matin même, et Marie pleurait en silence à côté de moi, elle reniflait et hoquetait doucement contre mon épaule, elle essuyait ses larmes à grands gestes brouillons du revers de ses doigts, de lourdes larmes de tristesse qui l’enlaidissaient et faisaient couler le maquillage de ses cils, alors qu’il y a sept ans, lors de notre première rencontre, c’étaient de pures larmes de joie, légères comme de l’écume, qui coulaient en apesanteur sur ses joues. Le taxi était surchauffé et Marie avait trop chaud maintenant, elle se sentait mal, elle finit par enlever son grand manteau de cuir noir, difficilement, en se contorsionnant à côté de moi sur la banquette arrière du taxi, grimaçant et paraissant m’en vouloir, alors que je n’y étais manifestement pour rien, merde, s’il faisait aussi chaud dans ce taxi, elle n’avait qu’à se plaindre au chauffeur, il y avait son nom et sa photo d’identité en évidence sur le tableau de bord. Elle me repoussa pour déposer le manteau entre nous sur la banquette, enleva son pull, qu’elle roula en boule à côté d’elle.
Afficher en entierNous ne disions rien dans ce taxi qui nous reconduisait au grand hôtel de Shinjuku où nous étions arrivés le matin même, et Marie pleurait en silence à côté de moi, elle reniflait et hoquetait doucement contre mon épaule, elle essuyait ses larmes à grands gestes brouillons du revers de ses doigts, de lourdes larmes de tristesse qui l'enlaidissaient et faisaient couler le maquillage de ses cils, alors qu'il y a sept ans, lors de notre première rencontre, c'étaient de pures larmes de joie, légères comme de l'écume, qui coulaient en apesanteur sur ses joues.
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