Extraits

— Je vais donner un bain à Sadie… commença Daisy.

Mais Griffin, qui n’avait pas lâché le bébé depuis trois bonnes heures – pas même pendant l’incident de la fuite de couche ou quand la demoiselle mécontente s’était tortillée dans tous les sens au moment de la nourrir (lait maternel en bouteille) – l’interrompit.

— Je vais le faire. Toi, vas-y et passe un peu de temps avec ton mari.

Daisy et Bennett partagèrent un petit sourire.

— Tu es sûr que tu peux t’en occuper ? Elle est du genre agitée, fit Bennett davantage pour le taquiner que pour le prévenir.

Griffin parut indigné.

— J’ai au moins une centaine de neveux et nièces ! Aucun d’eux n’a jamais eu le moindre souci sous mon aile.

— Incapable de maintenir une fougère en vie mais doué avec les bébés, énonça impassiblement Jim de l’autre côté de Griffin.

Cela lui valut un regard noir.

— Les fougères n’ont aucun système d’alerte anticipée du genre cordes vocales, intervint Helena, a priori en tueuse de plantes chevronnée. Les soins quotidiens diffèrent complètement.

Au moins, l’expérience d’Evan rendit supportable l’irritation de Matt. Ils allèrent à Macy’s et à Nordstrom’s pour tous les achats, puis direction les chaussures bateau ; l’étape qui fit presque basculer Matt dans la folie.

— Non.

— C’est ça ou des sandales.

— Oh mon Dieu.

Matt possédait désormais des chaussures bateau.

— Je ne suis pas sûre de pouvoir faire mieux que l’adorable discours d’Evan à notre mariage, mais je voulais simplement dire à ma magnifique fille et son charmant Shane que nous sommes tellement, tellement heureux qu’ils aient décidé d’unir leurs vies. Nous vous souhaitons bonheur et joie, et toutes les choses délicieuses dont nous ne pouvons discuter en présence de tous…

— Oh mon Dieu, murmura Helena alors que Katie riait un peu trop fort.

— … et j’ai hâte d’être grand-mère !

Serena but une gorgée de champagne pour signaler qu’elle avait fini son toast. Ils burent alors tous, sauf Shane qui versa simplement son verre dans celui de sa bien-aimée sans sourciller.

Ils resteront ensemble pour la vie, pensa Evan. Parce que ça, c’est le véritable amour.

— Avant j’étais un con seul et en colère. Et puis j’ai rencontré un type avec quatre merveilleux enfants et plus de problèmes que les anciennes parutions du Sports Illustrated, et boum : le bonheur.

— Boum : le bonheur ?

— OK, boum. Boum. Encore plusieurs boums. Un champignon atomique. Puis, le bonheur, corrigea-t-il avant de se lever pour amener les verres dans l’évier.

— Alors demande, reprit Miranda d’une voix un cran plus forte. Ou t’es trop occupé avec ton boulot et ton petit copain pour t’occuper de tes enfants ?

— Je t’en prie, souffla Evan en s’adossant rigidement à sa chaise bien que son estomac se serrait. C’est un coup bas.

— Au moins quand maman était vivante je pouvais lui parler, à elle. Je pouvais ignorer ton côté accro au boulot, poursuivit Miranda avant de renifler, le menton levé en signe de défiance. Mais maintenant, t’es le seul parent que j’ai et t’es merdique dans ce rôle.

— Elle est folle… Folle ! Si elle croit que je vais soutenir ça. Elle ne me l’a même pas encore présenté ! Elle ne nous l’a pas présenté. Quel genre de personne il est ? Est-ce qu’elle cache quelque chose ? Et lui ? Tu sais pourquoi elle ne nous l’a pas présenté ?

— Parce qu’elle sait qu’à la seconde où tu auras son nom, tu me demanderas de faire des recherches sur lui ? demanda froidement Matt.

Evan s’avachit sur le comptoir à côté de lui avec un soupir grandiloquent.

— Oui.

— C’est pas grave, bébé, le rassura Matt en lui passant une main dans le dos. J’allais le faire de toute façon. Elle le sait aussi.

Il avait déçu Sherri. Sa mémoire. Les enfants. Il avait failli décevoir Matt quelques années plus tôt, lorsque leur relation avait été mise en suspens, alors qu’il était pris dans la confusion de sa sexualité presque redéfinie.

Mais tout allait bien, désormais. C’était du solide. Les enfants étaient géniaux, du moins quand ils n’étaient pas agités d’une angoisse prépubère et jouaient les ados insolents ou les jeunes adultes impossibles à interpréter.

En capitaine de ce navire fou, Matt tenait le cap : la lessive était à jour, et son petit ami sexuellement satisfait afin de pouvoir se lever le lendemain.

Ou quelque chose comme ça.

Des années auparavant, ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Matt ne savait pas comment tomber amoureux, comment faire partie d’une famille. Il ne savait pas comment vivre.

Evan était son partenaire dans l’obscurité, puis il était devenu le seul qui rendait possible la lumière.