Extraits

Il sourit gentiment. Brusquement, et sans en savoir plus, il avait envie d'accepter sa proposition. Pas pour les cent mille zlens, encore qu'une somme pareille puisse difficilement être tenue pour une chose négligeable, mais seulement pour elle... Oui, simplement pour cette fille qu'il ne connaissait pas et qui lui proposait comme une chose tout à fait naturelle un plongeon dans l'inconnu, du côté de Véga, comme s'il s'agissait d'un banal transfert vers Sirius ou Alpha du Centaure

C'est bien ce que je pensais, soupira Jansens. J'aimerais quand même que vous sachiez de quoi nous parlons en ce moment. Véga, c'est en dehors de toute zone explorée. Pour pouvoir atteindre ce secteur dans un délai raisonnable, il faut naviguer en plongée supra-spatiale. Actuellement, cette zone n'a pas encore été reconnue par les services officiels d'exploration, et par conséquent elle est totalement interdite aux expéditions privées

— Vous ne m'aurez pas comme cela non plus, rigola Jansens. Allez-y, mademoiselle, racontez votre truc. Nous gagnerons un temps précieux, vous verrez. Et si cela ne me convient toujours pas, nous nous quitterons bons amis, et ce n'est pas pour autant que j'irai clamer partout ce que vous m'aurez dit. Les gens qui vous ont si bien renseigné sur moi vous ont certainement précisé que j'avais pratiquement tous les défauts, mais que je sais tenir ma langue quand il le faut. Je vous écoute

Vous n'aurez à tuer personne, monsieur Jansens. Jansens jeta sa cigarette et fit mine de faire demi-tour : — Vous savez, mademoiselle..., les plaisanteries les plus courtes resteront éternellement les meilleures. Je suis vraiment ravi d'avoir failli faire votre connaissance, mais restons-en là, voulez-vous ! Un soupir souleva l'émouvante poitrine d'Audrey Glendale, et elle se décolla de la carène du glisseur

Pourquoi me regardez-vous ainsi? demanda-t-elle nerveusement. Jansens alluma une cigarette de flen, et lui lança le paquet, avec une désinvolture voulue, calculée : — J'essayais de deviner votre nom, dit-il. Comme vous avez deviné le mien. — Je m'appelle Audrey... Il faudra vous contenter de cela pour le moment. Plus tard, si nous nous mettons d'accord, nous verrons pour la suite. Elle enleva la capsule de protection de sa cigarette, la laissa s'allumer au contact de l'air et tira une courte bouffée qu'elle renvoya aussitôt

Ce sinistre crétin va entendre le bruit de la mer ! grogna-t-il, tandis que la bulle transparente basculait au-dessus de sa tête. Il allait s'extraire du baquet quand le conducteur de l'autre glisseur sortit paisiblement de son véhicule, vingt mètres devant lui. — Par tous les qasars de l'univers ! Je dois rêver, maugréa Jansens. Des filles comme ça, ça n'existe que dans les rêves

Ce fut après la troisième balise que le radar de surveillance arrière signala l'approche d'un véhicule nettement plus rapide que le sien, mais il se contenta de se rapprocher légèrement du ruban de sécurité, dont le faisceau ondionique délimitait la voie du côté droit, de façon à laisser largement à l'autre la place pour le dépasser. Il jeta un bref coup d'œil vers la gauche, quand le véhicule annoncé se porta à sa hauteur, mais ne put distinguer le conducteur de l'engin, à cause de la verrière polarisée. Un glisseur un peu plus gros que le sien, aux formes élégantes et racées. Les tuyères latérales de propulsion émettaient une légère lueur orangée

Alexis Jansens quitta la jeune femme brune avec qui il avait pris un verre, peu de temps après midi, heure universelle, et gagna un restaurant voisin pour prendre un solide repas traditionnel. Il se sentait en pleine forme et trouvait que la vie valait d'être vécue

Elle écoutait les précisions que continuait à débiter Linda Rogers au sujet de Jansens, de son équipage et de son vaisseau spatial. Elle enregistrait chaque détail, mais son esprit était ailleurs. Un aventurier... Un homme qui avait renoncé à une vie sédentaire par amour des grands espaces libres... Peu lui importaient les raisons ou les motifs qui le jetaient vers les étoiles, voyage après voyage. L'essentiel était de vivre intensément au cœur de cet univers encore à peine livré à l'appétit forcené des humains

Les deux femmes se faufilèrent entre les consommateurs, assez nombreux en cette fin de matinée. L'odeur légère des cigarettes de flen, importées des confins de l'E.M.G.A.L., l'Empire Galactique, emplissait la salle et se mêlait à celle des alcools servis par des androïdes impersonnels et efficaces. Comme toujours, des regards masculins suivaient la progression d'Audrey Glendale, mais elle ne semblait pas s'en apercevoir. Il y avait d'autres femmes dans la salle du bar, certaines accompagnées, d'autres seules