Extraits

Certes blonde, mais petite, avec des seins qui doivent à peine remplir ses mains. Je suis aux antipodes des girafes gonflées à l’hélium qui accompagnent ses nuits de débauche sexuelle. J’avais pourtant été très claire, il y a deux ans de cela, lorsque nous nous sommes rencontrés :

— Tu fais quoi là ? lui avais-je demandé, alors qu’il se tenait sur le seuil de la porte de mon appartement, prêt à entrer.

— Je pensais t’honorer de ma présence.

— M’honorer ? C’est une blague ? Tu crois vraiment que je suis désespérée, au point de finir mon samedi soir, avec un mec à moitié bourré qui prend sa queue pour la huitième merveille du monde ?

— Bourré ou pas, je baise comme un dieu. Laisse-moi entrer un instant, et je te montrerai à quel point je peux rivaliser avec la pyramide de Khéops, ou les jardins suspendus de Babylone.

— Tu préfères « Miss casse-couilles » ?

— Tu préfères « Monsieur le gros lourd de service » ?

— Tu peux me donner des surnoms, ça ne me dérange pas, mais privilégie les titres comme « Maître » ou bien « Monseigneur » ou encore « son altesse Sérénissime », il paraît que ça me colle à la peau, dis-je en m’asseyant nonchalamment sur le fauteuil installé près de la fenêtre.

Huit heures : c’est l’heure à laquelle je suis censé arriver au bureau.

Huit heures trente : c’est l’heure à laquelle j’arrive habituellement au bureau.

Dix heures : c’est l’heure à laquelle j’arrive au bureau ce matin.

J’ai passé une nuit de merde. Juste après le cauchemar, je me suis tourné et retourné dans mon lit une centaine de fois, en réfléchissant à tous mesbrusques changements de comportement de ces derniers jours. Je me suis posé des tonnes de questions : pourquoi cette petite chieuse me rejette-t-elle constamment ? Pourquoi ai-je de plus en plus de mal à encaisser ça ? Pourquoi je deviens cinglé et je la vois partout ? Et la question la plus importante : pourquoi je me pose toutes ces questions ?

— Je vais tuer cette saleté de chien !

C’est décidé : ce sera LUI ou MOI…

J’hésite…

Avec quatre petites heures seulement de sommeil au compteur, j’ai plus envie de m’autoasphyxier avec mon oreiller, que de descendre la vingtaine de marches qui me séparent de l’étage juste en dessous du mien, pour commettre un meurtre canin…

Dix heures de garde non-stop aux urgences auront finalement eu raison de moi.

Bon c’est d’accord ni l’un ni l’autre. De toute façon, la mortpar autoasphyxie avec un oreiller ne doit pas donner de super résultats…

Pas un mot pendant tout le trajet à pied jusqu’à l’appartement. Une fois la porte franchie, je la plaque contre le premier mur qui se présente, sans lui laisser le temps d’allumer les lumières.

— Becca, mon petit pamplemousse, tes lèvres sont si douces…

— J’adore ce petit nom. Lequel veux-tu que je te donne ? me demande-t-elle alors queje suis en train de sortir une capote de la poche arrière de mon jean.

— Celui que tu veux ma belle. Du moment que tu le cries, dis-je en rigolant.

— Vraiment William, j’attends avec impatience le jour où... non rien, laisse tomber, dit-il en s’installant au volant.

Je sais ce qu’il a voulu me dire. Mais ce jour n’arrivera jamais. Fonder une famille. Avoir des enfants. S’attacher. S’inquiéter pour quelqu’un. En avoir la responsabilité. Ce n’est absolument pas ce que j’ai choisi de vivre.

Et j’adore ma vie.