Extrait

Je suis parfaitement consciente d’être en train de le dévisager, comme s’il était le premier individu de sexe masculin que je croise de ma vie. 

- Vous aussi, lancé-je d’une voix lointaine alors que mes yeux plongent dans les siens. 

Je me rends subitement compte de ce que je viens de lui balancer, de la voix désincarnée et stupide que j’ai utilisée, de l’air niais que je dois arborer. Reprenant mes esprits, je me redresse sur mes escarpins, le dos droit, les épaules rejetées en arrière. 

- Je veux dire que je vous trouve très beau… enfin bien habillé ! essayé-je de me rattraper in extremis tout en tentant de ne pas passer pour une greluche. 

Ce qui est de toute évidence raté, si j’en crois le sourire surpris que vient d’esquisser Monsieur Calvin. L’emprise qu’ont mes hormones sur mon cerveau est réellement catastrophique. Si je ne veux pas que ce rencard entre dans le Guinness Book des records pour avoir été le plus nul et ridicule du XXIe siècle, il faut que je songe sérieusement à me reprendre et vite. C’est aussi pour ça que je ne comprends pas ce qu’il peut bien me trouver. J’ai toujours l’impression de me comporter comme une cruche à partir du moment où il se trouve à moins d’un kilomètre de ma personne. 

- Merci. Êtes-vous prête ?

- Oui. 

J’attrape rapidement la pochette qui me servira de sac à main ainsi que mon manteau, vérifie discrètement mon reflet dans le miroir ovale de l’entrée, puis ferme la porte derrière moi. Ce n’est pas l’énorme 4x4 rouge flamboyant qui nous attend, mais une petite sportive d’une couleur sombre et discrète… de couleur uniquement, car le vrombissement qu’elle émet pourrait réveiller tout un quartier de Pékin.