Extraits

Je prends tout d'elle. Ses rires sont mon oxygène, sa peau mon poison. Elle est ma plus belle condamnation.

...si t’as plus envie de te battre pour toi, je te forcerai à te battre contre moi. Je serai là tout le temps, partout, pour que t’oublies jamais à quel point tu me hais. Si c’est la seule manière de te garder en vie, putain, j’te jure que je ferai tout ça.

Elle a des yeux à faire pâlir les étoiles.

– Tu es beau tel que tu es. Avec tes cicatrices. Tes fêlures. Tes maladresses. Tes mauvais choix. Ta peau. Ta peau est belle, Shane. Elle est unique. Elle est toi.

Je loupe une respiration. Redeviens un gosse.

Vulnérable.

Qu’elle pourrait briser plus facilement qu’une brindille. 

Il y a des malades qui se promènent dans les rues. Ils ont des amis, parfois même de la famille. Et on ne sait pas quel monstre se cache derrière le gentil voisin ou le père de famille tranquille tant que le piège ne s'est pas refermé sur nous.

J’ai envie d’elle au point que la regarder sans la toucher devient une véritable torture.

Je ne me retiens que par miracle d’attraper ses cuisses pour la soulever sur ma taille alors que des images de son corps arqué entre mes mains me rendent fou.

– Heather, qu’est-ce que tu… Pourquoi t’es… bafouillé-je avec difficulté en me penchant sur le côté pour tenter d’apercevoir Luis, qui a forcément dû la faire entrer dans l’appartement.

Mais il n’y a personne dans le couloir. Et elle ne répond toujours pas. Sa poitrine se soulève au rythme soutenu de sa respiration tandis qu’elle me sonde de ses yeux clairs, intensément.

La chaleur de son corps irradie jusqu’à moi malgré le froid qui la fait trembler.

Le froid, ou peut-être autre chose.

Ses cheveux gorgés d’eau tombent en désordre sur ses épaules, sauvages. Plaquent davantage son T-shirt sur ses seins enflés et tendus.

Je passe nerveusement ma langue sur mes lèvres en sentant un désir animal palpiter de plus en plus violemment dans mes veines.

J’ai toujours respecté notre amitié. J’ai fait semblant. J’ai menti. J’ai refusé de poser les mains sur elle, même quand l’envie était plus forte que tout et me retournait le bide.

Mais là, je sens que je n’ai plus aucune volonté et que je suis sur le point de faire une connerie.

– Heather, bordel… tenté-je une nouvelle fois en passant une main fébrile sur mes yeux.

Je n’ai pas le temps de les rouvrir qu’une bouche humide et froide vient brutalement heurter la mienne. Ma conscience se prend un bloc de ciment dans la tronche avant même que je ne puisse réellement comprendre ce qui est en train de se passer.

Dans son élan, Heather me pousse brusquement en arrière. Et si j’ai largement la force de rester sur mes pieds, l’effet de surprise me fait vaciller. Je me rattrape in extremis à l’encadrement de ma porte pour nous éviter de basculer.

Les muscles de mon bras se bandent à l’extrême en même temps que nos dents s’entrechoquent et qu’un grondement rauque monte de ma poitrine. L’excitation me fouette le sang si fort que ça me fait tourner la tête.

Mais dès que je retrouve l’équilibre, le souffle court et les idées claires, c’est moi qui reprends la main.

“– Je n’avais pas besoin que tu viennes me sauver, Shane.

Face au miroir de l’entrée, j’arrête mon geste alors que je m’apprêtais à étaler une couche de pommade sur ma tache blanche. J’ai beau m’y attendre, savoir ce qu’elle pense de moi, ça n’en est pas moins blessant.

– Je sais, réponds-je comme si de rien n’était.

– Alors pourquoi tu fais ça ?

Je comprends qu’elle n’est plus dans la cuisine quand son parfum me prend d’assaut. Je me tourne vers elle, l’air assez indifférent pour ne pas risquer de me trahir.

– Pourquoi je fais quoi ?

– Pourquoi tu restes, pourquoi tu es revenu ?

Je sais que c’est plus un reproche qu’une question, mais la réponse s’écrit en toutes lettres dans ma tête. Tout ce que j’ai fait, mes décisions, mes actions, mon immobilisme, ma disparition, tout a été induit uniquement par elle. Seulement je n’aime pas entendre qu’elle cherche à comprendre quelque chose. Ça devient trop dangereux.

Gratte pas, Mina. Putain, gratte pas.

– Je ne suis pas revenu en espérant changer quoi que ce soit, commencé-je alors que les mots s’arrachent un à un de ma poitrine. Ta copine m’a appelé, j’ai pas réfléchi. Je fais mon boulot.

Je fais exprès de reprendre ma position devant le miroir avant de lui glisser cette confidence. Avant, ces paroles et le ton de ma voix l’auraient blessée. Ce soir, je sais qu’elle s’en fiche. C’est la réponse qu’elle attendait. Savoir que je ne fais plus partie de sa vie, comme elle le voulait.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher de hasarder un coup d’œil dans sa direction. Toujours ce foutu désir de voir apparaître un rayon de soleil là où il n’y a que des ombres.

Elle hoche doucement la tête tout en regardant ses pieds. Merde, pourquoi elle a l’air si… résignée ? Qu’est-ce qu’elle aurait voulu m’entendre dire ?

– Je vais aller prendre une douche, articule-t-elle.

– Eh ! la retiens-je juste avant qu’elle ne me tourne le dos. Ça va ?

Elle me répond derrière un sourire forcé.

– Oui. Ça va toujours.

Je fronce les sourcils, conscient qu’elle ne me dit pas tout ce qu’elle a sur le cœur. En vain. Elle part se réfugier dans la salle de bains sans un regard en arrière. Le bruit de l’eau déferlant sur le rideau de douche s’élève dans la minute qui suit. Alors que je passe mes mains sur mon visage fatigué, assailli de doutes et de messages contradictoires, je me surprends à l’imaginer nue sous un jet d’eau vaporeuse, ses jambes enroulées autour de ma taille et sa langue s’insinuant fiévreusement dans ma bouche.”

“Briquet en main, il se ravise et ôte sa cigarette de ses lèvres pour fixer la jeune femme qui a toujours le doigt tendu devant elle.

– On se connaît, tous les deux ? T’as été à l’école avec moi, peut-être ? (Il agite rapidement sa main en faisant semblant de réfléchir.) Attends, attends, ne me dis rien. C’est toi, tata Cindy ? Ou bien ma bonne fée ? On a fait du poney ensemble ? Nan ? Toujours pas ?

Jess cligne plusieurs fois des yeux puis baisse enfin la main, interdite. Il faut dire qu’elle n’a pas l’habitude de se faire rabrouer par qui que ce soit, et encore moins par un membre de la gent masculine.

Mais le ton qu’il emploie avec elle ne me plaît pas. Je le menace en sifflant son prénom entre mes dents serrées, sans succès toutefois puisqu’il ne se détourne pas d’un iota de sa cible.

– Alors dis-moi pourquoi je devrais automatiquement t’écarter de la liste  ? Juste parce que tu m’as passé un coup de fil ? (Il hausse soudain la voix en me désignant, mais continue de parler à Jess comme si je n’existais pas.) Tu ne peux pas imaginer ce qu’elle représente pour moi, tu ne peux même pas essayer de toucher ça du doigt. Donc toi, tous les habitants de cette foutue ville et les petits elfes qui chient des paillettes dans la forêt, vous serez tous suspects tant que je n’aurai pas la preuve du contraire. C’est clair comme ça ?

Jessica bégaye et ma respiration s’accélère.

J’avale ma salive le plus discrètement possible pour ne pas me trahir alors qu’une toute petite phrase vient de me retourner le ventre, me déstabilisant bien plus que je ne le voudrais.

Bien plus qu’elle ne le devrait.

Merde, c’est Shane !

L’alcool ? Pas bu. OK, alors ce méli-mélo d’émotions qui me donne l’impression de devenir dingue et qui pourrait altérer ma réflexion ? Peut-être. La frustration de rater en ce moment même et en direct le concert de ma vie ? Ça doit être ça.

Et puis mince, ma dernière relation date de deux mois ! Je suis sans doute un peu en manque et Shane a rallumé quelque chose que j’avais enfoui depuis longtemps. Parce qu’après tout, on a dormi ensemble plus d’une fois lui et moi. Et c’est même le seul que j’aie jamais autorisé à me pincer, me chatouiller et me voir en sous-vêtements. Jamais aucune arrière-pensée, jamais de petite décharge électrique. Même si je l’ai toujours trouvé incroyablement séduisant, un sourire à tomber, ça s’arrêtait là. Je me disais que j’avais de la chance d’avoir un ami aussi beau gosse, pas que je devrais envisager quoi que ce avec lui.

Un crépitement d’étincelles me tire de mes pensées en jaillissant du briquet de Shane. Je me sens frissonner en le surprenant à m’observer fixement et un instant fugace, j’ai même la crédulité de croire qu’il a pu lire dans mes pensées. Mais il rompt le contact visuel sans rien laisser paraître. Ses joues se creusent pour aspirer la nicotine. La braise de sa cigarette rougeoie.”

Elle a peur d'aimer. Peur de ce que ça pourrait nous faire. Ouais, aimer peut tuer. Mais putain, je veux mourir de l'avoir trop aimée. C'est cette fin que je choisie.

En voyant ma tronche de déterré à l'aube, Jacob me demandera quand je vais finir par me décider et je lui répondrai que j'ai trop à perdre. Comme tous les jours depuis qu'il a compris que je suis fou amoureux de sa soeur.