Extraits

Je vois mon fils ainé s'approcher de moi :

- Pourquoi n'est-il pas resté? ne questionne Nathan.

- Qui? demandé-je, totalement à l'ouest.

- Ton copain, papa, insiste-t-il. Je l'ai vu cette nuit. J'ai regardé par la fenêtre quand j'ai entendu une moto dans l’allée. Pas étonnant que je te trouve changé depuis que je suis revenu.

Je le regarde ahuri avant de noyer le poisson.

- Et bien, je fais du sport, je suis plus en forme, dis-je en rougissant légèrement.

- Je parlais de ta tête papa, tu brilles! s'exclame-t-il. Tu es différent. ça te va bien. Présente-le-nous la prochaine fois.

---

Ma fille repart aussitôt après un bref bonjour tandis que mon ainé sert la main de Charlie avec sérieux:

- Bonjour, je suis Nathan, le fils ainé de Laurent. Ravi de faire ta connaissance, se présent-il avant de baisser le ton : pour information, fais gaffe, ta moto n'est pas discrète, la nuit.

Nathan fait un clin d’œil à Charlie et repart comme il est venu. Charlie se tourne vers moi, les yeux écarquillés.

— Eh bien, depuis quand on a Brice de Nice [14] en stage dans l’entreprise ? Je ne savais pas qu’on s’était mis à faire des planches de surf, m’exclamé-je en me servant à la machine.

Le mec aux cheveux longs se décale et se retourne. J’avoue être intrigué. C’est qui ce gars ? Il n’est pas si jeune que ça pour un stagiaire. Je suis nul pour donner un âge, mais il doit avoir autour de trente ans. En attendant que mon café soit prêt, je le regarde discrètement. Il est aussi grand que moi et je ne peux pas rater sa musculature développée sous son polo jaune clair, qui est à l’origine de ma blague. Il a un catogan qui permet de retenir ses longs cheveux blonds, mettant en évidence ses pommettes hautes et sa bouche épaisse. Je saisis mon gobelet et relève la tête. Ouais, bah il ressemble franchement à Brice de Nice, quoi. Espérons qu’il ne soit pas aussi con.

Attentif, je le vois hocher la tête vers Christophe, signe qu’ils se sont déjà croisés ce matin avant mon arrivée. Ce dernier tire la grimace et je me demande bien pourquoi. En même temps, ma blague est tombée à plat et n’a pas permis d’égayer l’atmosphère. Mon café à la main, je me recule et laisse le passage à mon second pour qu’il se serve.

Le jeune homme au polo jaune se pointe devant moi et me tend sa main, les épaules redressées et le visage grave. Je le regarde sans comprendre, mais serre par automatisme pour le saluer. Je fronce les sourcils et serre les dents à son contact. Sa poigne est forte et il m’écrase littéralement les doigts.

— Bonjour, je m’appelle Charlie Trémont, le nouveau responsable du magasin. Je suppose que vous êtes Laurent Carne ?

Alors là, j’en oublie toute politesse et relâche sa main d’un coup. Brice de Nice est le nouveau responsable du magasin ? Merde alors. Je croyais que Billy avait recruté un gars qui avait de la bouteille. Je me tourne vers Christophe.

— Depuis quand on recrute des tarlouzes aux cheveux longs ! dis-je un peu trop virulemment en regardant de nouveau Charlie.

Ce dernier passe une main dans ses cheveux et me regarde dans les yeux de manière appuyée. Sa mâchoire est crispée et ses dents serrées. Je suis obnubilé par ses yeux d’un gris clair assez électrique qui me lancent des éclairs. Sa voix posée, mais profonde parvient à mes oreilles :

— Quel jugement hâtif, juste en regardant quelqu’un pour la première fois ! Pour information, les propos homophobes sont punis par la loi, me menace-t-il avant de nous saluer en me tournant le dos. Bonne journée, messieurs !

Je le regarde partir en direction de son périmètre, les épaules redressées et la tête haute. Totalement déboussolé, je passe ma main devant mon visage.

— Putain ! Ça, c’est de la présentation. Tu ne pouvais pas me dire que c’était lui, Charlie ? engueulé-je Christophe alors que je sais être responsable de la situation. Il m’a humilié là !

— Je pensais que tu aurais deviné, me répond Christophe en haussant les épaules. Pis, tu le mérites ! Tu as vu comment tu t’es adressé à lui ? Au moins, il t’a remis à ta place.

— Remis à ma place ? Mon cul ! m’écrié-je. Il est surtout hautain ! C’est quoi c’te petit jeunot qui ose se prendre pour ce qu’il n’est pas ? râlé-je.

Je lâche Christophe en plan devant la machine, jette mon gobelet dans la poubelle et retourne à mon bureau, énervé.

La semaine commence bien.

— Je rêve de t’embrasser. Le veux-tu aussi ? murmuré-je en guettant sa réaction.

Laurent ne se recule pas. Il ne dit rien. Son regard reste figé sur mes lèvres. Sentant que c’est le moment ou jamais de faire évoluer notre relation, je décide d’entreprendre et penche mon visage vers le sien, tout en continuant de le regarder dans les yeux.

Ma bouche est enfin sur la sienne. J’y mets toute la douceur dont je suis capable, tranchant totalement avec notre premier baiser brutal. Mes lèvres s’entrouvrent lentement et ma langue vient caresser la commissure de ses lèvres. Laurent ouvre la bouche et expire en fermant les yeux. Il ne m’en faut pas plus pour poser mes mains derrière ses oreilles et pencher ma tête pour approfondir notre baiser.

Il y répond.

Merveilleusement bien.