Extraits

J’en voulais tant à O. d’avoir cassé l’ambiance quand commençait à si bien fonctionner. Si Chiyoko restait tranquille, je pouvais continuer à fréquenter l’appartement d’O. Notre relation se serait stabilisée. Alors pourquoi essayait-elle ainsi de nous détruire ? Je n’y comprenais plus rien. L’important était de privilégier avant tout la paix de mon foyer et non pas de cesser d’aimer O. Au contraire, si je voulais approfondir mon amour envers O. et le faire durer longtemps, il me fallait être serein en famille. Mais pourquoi O. ne voulait-elle donc pas croire à cette vérité ?

Les rêves et les illusions que son travail d’écriture lui faisait percevoir devaient modifier à son insu ce qui l’entourait. Si elle décrivait un rapport léger et délicat entre deux êtres, le monde entier devenait léger et délicat autour d’elle. Si elle décrivait des sentiments violents, son entourage devenait violent. Si elle décrivait des relations intenses entre ses personnages, c’est sa relation même avec Seiji qui devenait intense. En analysant la suppression de l’amour à propos d’O. d’Innocent, n’était-ce pas sa relation avec Seiji qu’elle voulait supprimer ? Le résultat qu’elle avait obtenu, c’était maintenant la mort de Seiji.

Drôles de gens que le roman entraîne dans son sillage. Le roman qui persuade un inconnu à tort qu'on a écrit sur lui, qui vous entraîne vers des zones où l'on ne peut ni exister ni tenir debout, le roman qui fausse en secret la boussole de la vie

la vérité n'est pas vraie en elle-même. Ecrire ce que l'on croit vrai revient à élaborer une fiction. L'écrivain qui sait cela décrit, d'une manière attrayante et intéressante, ce qu'il prend pour la vérité.

De son côté, la fiction doit être vraisemblable. C'est pourquoi toute oeuvre est mensonge. Car la vérité, comme la lumière excessive, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un doux crépuscule, qui met chaque chose en valeur.