Extraits

Parfois, lorsqu'une personne extérieure à vos tourments vous enfonce la tête dans votre propre merde, cela vous aide à en ressentir les mauvaises odeurs.

Mon voyage à Madrid m’a fait réaliser que chaque Espagnol, d’une manière ou d’une autre, a été touché par la guerre civile, et ce sentiment est aujourd’hui plus vif que jamais. Dans la conscience commune, quelque chose s’est gravé et l’histoire les a contraints à vivre avec ce souvenir.

Cette désagréable impression d’être vivant sans réellement exister ni trouver ma place régnait inlassablement en moi. Mais les gens en général, et c’était aussi mon cas, sont bien trop lâches pour déposer leur vie dans une coupelle et l’observer au microscope pour tenter d’en saisir les erreurs passées.

— Niño, tu boudes ?

— Aucunement, mentis-je.

— Mais regarde-toi ! On dirait ta mère quand elle était gosse !

— Je prends seulement conscience que vous n’êtes rien d’autre qu’un vieux type bourré d’ingratitude, répliquai-je.

— La vie est pleine de déceptions ! finit-il par me dire. 

Mon passé semblait vouloir se détacher de moi alors que mon avenir me glissait lamentablement des mains, comme un labyrinthe obscur dans lequel je me débattais à la recherche de la moindre source de lumière. Je me sentais comme un gosse aveugle que l’on aurait abandonné sur une barque au beau milieu d’un fleuve déchaîné alors qu’au bout, rien d’autre n’attendait mis à part une vertigineuse chute d’eau. 

Je n’aime pas les gens en général. Je n’ai aucune sympathie pour eux et ne porte que peu d’intérêt à leur présence.

À dire vrai, la grande majorité des individus qui m’entourent et qui se nourrissent de mon air ne sont pour moi que le remplissage d’un espace déjà saturé de toutes sortes de névrosés chroniques. Je n’ai pas besoin d’eux car je sais qu’au fond ils n’ont pas besoin de moi. Cette règle simple m’a été suggérée par mes propres expériences de vie, et n’écoutant en général que moi-même, déviant ainsi nombre de conseils hasardeux, j’ai fini par me persuader que c’était un fait.