Extraits

— Qu’est-ce qui s’est passé pendant ton week-end ? fit Perle, les yeux écarquillés, en le voyant arriver en cours le dimanche matin.

Frédéric se figea.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Tes boucles d’oreilles ont pété ! Tu as des cernes qui te descendent jusqu’au menton ! Tu t’es encore moins coiffé ce matin que d’habitude et tu… as l’air absolument rayonnant.

— N’importe quoi, marmonna-t-il les mains pressées sur ses joues qui s’enflammaient, maudite soit sa peau de vampire.

— Je dirais que tu as passé un très, très bon moment au pieu, sauf que j’ai jamais connu de partie de jambes en l’air qui fasse péter des pierres de protection.

"-Mais tu sais combien je suis doué pour l'improvisation.

-Ne seriez-vous pas un peu arrogant, monsieur Singulier-Weyrd?

Allowin redressa lentement la tête et dit, tout contre ses lèvres :

- On ne parle pas d'arrogance, quand c'est du talent."

“Raccrocher fut presque trop difficile. S’il avait pu emporter le téléphone avec lui, garder Allowin au creux de son oreille, il l’aurait fait sans aucune honte.”

Bleiz et lui longeaient toujours le mur lorsqu’il fut pris d’un nouveau frisson. Pas de froid cette fois, pas vraiment. Quelque chose s’était insinué en lui sans qu’il s’en rende compte, quelque chose qui le gelait aussi sûrement que les doigts de l’hiver.

De l’effroi.

- Et elle t’a donné des devoirs à faire ! s’exclama son ami d’une voix ravie.

Il lui flanqua une petite claque sur l’épaule.

- Félicitations. Tu rentres presque dans le rang. Viens, je t’offre un verre.

Owin le suivit, la stupéfaction laissant peu à peu la place à l’enthousiasme.

Et d’ailleurs, depuis quand avait-il besoin de l’aval du Conseil pour faire ce qu’il voulait ? Il n’aurait pas les fonds ni l’aide de ses pairs, tant pis. Il s’en passerait, il avait l’habitude. On ne lui avait pas interdit de faire ses recherches, et ça lui suffisait.

— Il crée surtout des sortilèges facilitant la poussée des récoltes. Parfois, si la sécheresse menace, il se rassemble avec des collègues pour déclencher des épisodes pluvieux.

Frédéric détourna les yeux des maisons qui défilaient, de plus en plus éparses.

— Des épisodes pluvieux ? répéta-t-il. Je ne savais pas que c’était encore autorisé.

Elle eut l’air surprise, ce qui signifiait qu’il avait fait preuve d’ignorance sur un sujet inhabituel. Mais il était persuadé d’avoir lu que la manipulation météorologique était interdite, qu’il y avait eu trop de cas de déluges et de sécheresse…

— Oh, ne t’inquiète pas, c’est très encadré ! Et ce genre de sortilège exige beaucoup d’énergie et d’organisation. Pour une averse digne de ce nom, il faut qu’au moins cent personnes nettoient leurs vitres en même temps, la veille du jour désiré. Les sorciers se servent de cette énergie et de l’effet de contradiction pour déclencher la pluie. Le problème, continua Marguerite sans quitter la route des yeux, c’est qu’il n’existe pas de sortilège qui l’empêche de tomber une fois qu’elle a commencé. Il faut donc calculer soigneusement le nombre de personnes requises pour nettoyer les vitres et le nombre de sorciers pour canaliser cette énergie. Sinon, c’est l’inondation assurée !

"peut-être avait-il bougé, car Allowin tourna soudain les yeux dans sa direction et referma son livre en cornant la page, ce sauvage"

"je ne vais jamais me remettre de lui songea Frédéric dans un éclair de lucidité. Je ne vais jamais pouvoir"

« — Monsieur Singulier-Weyrd ? Nous vous avons posé une question.

— Et je vous ai répondu.

Une pause.

— Votre voix aurait-elle atteint des sphères inaudibles à nos oreilles humaines ?

— Étant donné la réaction du Conseil chaque fois qu’il m’a reçu, on pourrait bien le croire. »