Extraits

As-tu vu quelque chose ? demanda aussitôt Esteban. Emilio sortit de la cabane et jeta des regards autour de lui. Mais la jungle lui semblait avoir retrouvé son calme habituel. Les branches des arbres ondulaient au gré du vent et des mouvements des petits animaux qui vivaient tapis en leur sein. Rien d’étrange en somme

Dans ce cas leur anonymat est éventé. Je me fais une joie de les trouver et de les chasser, fit Emilio. (Avant d’ajouter plus humblement :) Si mon duc le permet, cela va sans dire. Esteban sourit amèrement. II n’arrivait pas à penser que les choses seraient aussi simples. Tout comme Ramirez, il connaissait les légendes sur les amazones et sur leur capacité à se battre. Même si les forces d’Ibéride étaient formées de farouches combattants émérites, les décennies de paix que connaissait le duché d’Ibéride avaient sans aucun doute ramolli leur vigueur et la force de leur combativité

 Ou influente, fit alors Esteban du coin de la pièce. Dans un placard il venait de découvrir des vêtements à caractère typiquement féminin. Une jupe courte et une chemisette noire, ainsi que de hautes bottes en cuir. Ramirez s’approcha et se frotta le bouc. Il connaissait ce genre de vêtements. Ils n’avaient rien de commun et n’indiquaient qu’une seule interprétation. Toutefois cela amenait d’autres questions bien plus inquiétantes. — Que voient vos yeux que nous ne percevons point ? demanda Emilio en constatant la mine soucieuse de son ancien instructeur

Esteban passa le premier et se posta devant la porte. De prime abord la cabane ne devait pas mesurer plus de vingt mètres carrés. Tout en rondins de bois, elle était d’une construction qui différait de celle pratiquée par les paysans de la région. Esteban mit sa main sur la poignée, mais avant qu’il ne la tourne, Ramirez s’interposa. — Laissez-moi faire. Il ne faudrait pas qu’un mécanisme de sécurité y soit installé, fit-il. Veuillez reculer. Esteban obéit. Emilio s’en voulut de ne pas y avoir pensé. Pourtant les dieux savaient qu’il mettait toujours en garde le duc contre le manque de sécurité que semblait offrir l’ordinaire. Le danger était présent partout

Je ne pensais pas à vous. Si je suis fier du parcours d’Emilio, il n’en est point de même pour tous mes élèves. Un visage lui revint en mémoire. Son plus brillant succès. Une réussite parfaite. Le corps et l’esprit en parfaite symbiose. L’arme de guerre idéale

La trentaine, un corps massif posé sur une montagne de muscles, Emilio Samirana était la personne la plus proche sans liens de sang qu’il pouvait appeler frère. Escrimeur hors pair, chef de la garde ducale, il était l’homme de confiance d’Esteban. Son maître d’armes et son confident. — Ai-je l’air si vulnérable que tout le monde soit désireux de me venir en aide ?! fit-il en jetant tour à tour un regard vers ses deux protecteurs. Les trois hommes sourirent. — Vous n’étiez pas en danger. Je tenais seulement à ce que notre ami sorte de sa cachette, fit Ramirez en parlant suffisamment fort pour qu’Emilio l’entende. Mais ce dernier était descendu de son arbre et s’apprêtait à les rejoindre

Peut-être l’avait-il convié à monter sur cette passerelle de façon à commettre son forfait à l’abri de tous ? La paranoïa s’empara de son esprit et la peur s’insinua en lui. Il ne pouvait rien faire pour se dégager. Au moindre mouvement, une lame en acier trempé lui percerait l’œsophage. Esteban était hypnotisé par le regard inflexible du chasseur. L’homme ne se rendait pas compte de la gravité de ses actes. Une flèche vint alors s’encastrer dans un des piliers de la cabane bâtie sur la plate-forme. Le chasseur ne bougea pas d’un pouce

Il se força à ignorer la peur qui cherchait à s’infiltrer dans son esprit et ne se focalisa plus que sur chacun de ses gestes. Le moindre faux mouvement et c’était la chute mortelle. Il suait de tous ses pores. Ses muscles le tenaillaient douloureusement, mais il parvint enfin au pied de la passerelle. — Tendez-moi votre main, fit Ramirez en se baissant vers lui

Il en est de même pour moi si je regarde le sol. Esteban leva alors les yeux et s’en voulut pour la énième fois de son comportement de citadin. La forêt était un endroit à trois dimensions. Il aperçut, au faîte d’un grand arbre, une plate-forme qui l’entourait

Ils passèrent deux journées à suivre des pistes improbables, longeant des ravins, traversant de puissantes rivières. Malgré ses années d’entraînement sportif, Esteban avait du mal à suivre la cadence de son guide. L’homme ne prenait jamais le temps d’une pause. Ils ne dormirent pas plus de trois heures d’affilée. Ramirez justifiait son comportement en plaidant le besoin de ne pas perdre la trace du wurtz, mais Esteban avait une tout autre explication. Il le mettait à l’épreuve ! — Vous ne devez faire plus qu’un avec les éléments qui vous entourent. Ne pas être un étranger. C’est en agissant comme si vous étiez dans votre milieu naturel que vous pourrez vous incorporer au paysage et disparaître de la vue de tous