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Prologue
Le jour de la mort de l’Ayatollah, une roquette lancée par les moudjahidins Khalk tomba sur la place Maydan-Sepah, au cœur de Téhéran. Elle manqua de peu l’échoppe d’un vieux marchand de tapis décrépit, nommé Masood Attai.
Lorsque le ciel s’éclaircit, Masood murmura une prière à Allah. Elle se transforma bientôt en imprécation lorsqu’il découvrit que le portrait de l’Ayatollah entouré de crêpe gisait à terre, le verre en mille morceaux.
Masood chercha un clou, mais en vain.
Il sortit en se pinçant les narines, afin d’éviter l’odeur âcre des véhicules qui brûlaient, et se mit en quête d’un clou parmi les gravats. Après dix ans de guerre contre l’Irak et, à présent, le harcèlement des contre-révolutionnaires, même les clous devenaient une denrée rare.
Il en trouva un – gros, à tête large et plate – parmi les décombres du Musée d’art et d’archéologie. De retour dans sa boutique, il l’enfonça à l’aide d’un maillet pour maintenir le portrait de l’Ayatollah.
Il installait le tableau lorsque l’Occidentale pénétra dans son magasin. Masood devina ses origines car, contrairement à la loi islamique, cette femme ne voilait pas son visage d’un tchador. Certes, sa jupe descendait bien au-dessous du genou mais – ô scandale ! – ses chevilles et ses mollets étaient nus. Masood se surprit à la fixer du regard. Cela faisait des lustres qu’il n’avait entrevu les jambes nues d’une jeune femme. Pas depuis la Révolution Iranienne.
Afficher en entierChapitre 2
Il s’appelait Remo et la foule en bas aurait beau le supplier à genoux, il n’avait pas du tout l’intention de sauter.
Au début, il y avait juste un type. Tout seul. Un gros type avec sweat-shirt à capuche couleur pêche. Il marchait dans la rue, dix étages au-dessous. Il avait fallu qu’il lève la tête et c’est comme ça que tout ce cirque avait commencé.
Il vit Remo assis, jambes pendantes, sur la corniche de l’immeuble en briques crasseuses. Le gars au sweat-shirt s’arrêta net. Il se retourna pour mieux voir. Il faisait presque nuit. L’air était frais.
— Hé ! Vous, là-haut !
Perdu dans ses pensées, Remo essaya d’abord d’ignorer l’importun. Volontairement, il posa son regard sur la Passaic River et la flèche grise de l’église Saint-Andrews. Enfant, il s’y rendait chaque dimanche. Il avait été élevé par des religieuses. Elles étaient sévères. Surtout sœur Mary Margaret, qui dirigeait l’orphelinat Saint-Theresa, où Remo avait passé ses quinze premières années.
Afficher en entier- Laissez-moi partager avec vous ce verset des Derniers Corinthiens : "Celui qui fait preuve de générosité envers moi, même s'il est très pauvre, recevra ma bénédiction. Celui qui donne son dernier écu à mes fidèles recevra beaucoup en retour". Amen.
- Fabuleux, s'extasia Remo. Il a juste jeté un coup d’œil. Il a l'air de connaître la Bible par cœur !
- Pour ça oui ! Il en connaît même toutes les ficelles.
- Qu'est-ce que ça veut dire, Petit Père ?
- Peu importe, je ne discute pas avec les sourds et les aveugles volontaires.
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